Le brut américain s’effondre, miné par la chute de la demande et la saturation des réserves
Le prix du baril de pétrole américain poursuivait sa chute libre lundi perdant plus de 30% sous 13 dollars le baril, son plus bas depuis plus de deux décennies, face à une chute vertigineuse de la demande et des réserves américaines près de la saturation.
Le baril américain West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en mai, dont c’est le dernier jour de cotation, dégringolait d’environ 38% à 11,04 dollars vers 11H55 GMT, soit son plus bas niveau depuis 1998. A titre de comparaison, il valait environ 114 dollars en 2011.
De son côté, le baril de Brent de la mer du Nord, référence européenne, était moins affecté, il cédait 6,05%, à 26,38 dollars vers 12H05 GMT.
Les marchés du pétrole n’en finissent pas de plonger depuis des semaines alors que les restrictions de déplacements dans de nombreux pays et la paralysie de nombreuses économies à cause de la crise du coronavirus ont fait fondre la demande, d’autant qu’une profonde récession s’annonce dans le monde.
Côté offre, le marché a été inondé de pétrole à bas coût après que l’Arabie Saoudite, membre éminent de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), a lancé une guerre des prix avec la Russie pour obtenir un maximum de parts de marché.
Les deux pays ont mis un terme à leur différend au début du mois en acceptant, avec d’autres pays, de réduire leur production de près de 10 millions de barils par jour pour stimuler les marchés touchés par le virus.
Mais les prix ont continué à dégringoler quand il est devenu clair que les réductions promises ne suffiraient pas à compenser la chute massive de la demande.
Le contrat sur le baril de WTI pour livraison en mai expirant lundi soir, ceux qui en détiennent doivent trouver des acheteurs physiques au plus vite. Mais les stocks ayant déjà énormément gonflé aux Etats-Unis ces dernières semaines, ils sont contraints de brader leurs prix.
Michael McCarthy, responsable stratégie pour CMC Markets, note que la chute du WTI « traduit un excès » de stocks de brut au sein du terminal de Cushing (Oklahoma, sud).
L’indice de référence américain est maintenant « découplé » de celui de Brent, référence du pétrole européen, et « l’écart entre les deux a atteint son plus haut niveau en une décennie », a-t-il souligné dans une note.
Ecart inédit
« Les Etats-Unis, en tant que marché enclavé, ont les plus importants problèmes de stockages », a renchéri Jasper Lawler, analyste pour London Capital Group.
« La demande est tellement inférieure à l’offre que les réserves pourraient déjà avoir atteint 70% à 80% de leurs capacités », a-t-il ajouté.
L’agence américaine de l’information sur l’énergie a indiqué la semaine dernière que les stocks de brut de la plus grande économie mondiale avaient augmenté de 19,25 millions de barils la semaine précédente, ajoutant aux malheurs d’un marché mondial qui était déjà sur-approvisionné avant même la pandémie de covid-19.
Sukrit Vijayakar, analyste pour Trifecta Consultants, souligne que les raffineries américaines ne parviennent pas à transformer le pétrole brut assez vite, ce qui explique qu’il y ait moins d’acheteurs et des réserves qui se remplissent.
Il y a un afflux de livraisons du Moyen-Orient et personne pour les acheter « parce que les coûts de transport sont élevés », explique-t-il à l’AFP.
Malgré cette chute, une lueur d’espoir pour la référence américaine: le WTI pour livraison en juin, qui deviendra le contrat de référence mardi, résistait un peu mieux, ne perdant que 11,07% à 22,26 dollar. Une telle différence entre deux échéances aussi rapprochées est extrêmement rare, voire inédite.
Cela signifie que « personne ne veut ce que tu vends aujourd’hui, mais (que certains) pourraient en vouloir dans le futur », a souligné Jeffrey Halley, analyste pour Oanda.