Nommé ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius chapeautera également la politique européenne, avec l’aide d’un ministre délégué Bernard Cazeneuve, lui qui avait été l’homme du "non" au référendum sur le projet de Constitution en 2005.
"Laurent Fabius, ce sera un Alain Juppé de gauche". Nombreux sont les diplomates qui font le parallèle entre Laurent Fabius et son prédécesseur. Au-delà de leur silhouette élancée, de leur crâne dégarni, et d’une certaine élégance naturelle, ces deux hommes ont en commun leur ambition contrariée.
Alain Juppé était le "meilleur d’entre nous", selon l’ex-président Jacques Chirac. Laurent Fabius a longtemps été considéré comme "le fils préféré" de François Mitterrand. Mais pour l’un comme pour l’autre, il aura fallu renoncer à briguer l’Elysée, à cause des circonstances politiques, mais aussi d’affaires judiciaires.
Laurent Fabius avait fait une entrée fulgurante en politique, dans la foulée de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Député à 31 ans, ministre du Budget à 34 ans, il devient Premier ministre à 37 ans en 1984, chargé d’incarner le retour à une gauche réaliste et raisonnable après les réformes radicales des premières années.
Mais cette période n’a pas été la rampe de lancement qu’espérait ce fils d’un riche antiquaire, venu à la gauche après des études littéraires et la fameuse Ecole nationale d’administration (ENA).
Pendant qu’il était Premier ministre, a éclaté en France l’affaire du sang contaminé par le virus du sida, probablement le plus grand scandale de santé publique de l’histoire du pays.
Des lots de sang dangereux avaient été écoulés par le Centre national de transfusion sanguine (CNTS). Plusieurs ministres avaient été mis en cause, dont Laurent Fabius, qui a toujours affirmé son innoncence. Elle ne sera reconnue par la justice qu’en 1999.
Un autre scandale ternit son passage à la tête du gouvernement : le dynamitage par les services secrets français du Rainbow Warrior, le bateau de Greenpeace.
Laurent Fabius entame alors une longue période en demi-teinte, marquée par les guerres fratricides au sein du Parti socialiste, contre Michel Rocard ou Lionel Jospin. A deux reprises, lorsque la gauche est au pouvoir, il accède à la présidence de l’Assemblée nationale.
Puis en 2000, l’un de ses deux ennemis jurés, Lionel Jospin, lui propose de revenir au gouvernement avec le portefeuille des Finances. Il plaide alors en faveur de baisses d’impô t, consolidant son image de socialiste modéré ou de "social-libéral".
Il gère aussi l’introduction de l’euro en 2002. Mais son image d’Européen convaincu se brouille trois ans plus tard lorsqu’il prend parti pour le "non" au référendum sur la Constitution européenne et s’oppose violemment au chef du PS, François Hollande, favorable au "oui", comme la majorité du parti.
Fabius, l’ancien chef du gouvernement, n’a que mépris pour l’homme d’appareil. Il l’affuble de sobriquets désobligeants, qui font les délices des chroniqueurs. L’année suivante, il se présente à la primaire socialiste pour la présidentielle de 2007, mais battu par Ségolène Royal, c’est pour lui un échec cuisant.
Pour 2012, il se range derrière la candidature de Martine Aubry, la drigeante du parti, puis doit se résoudre à se rallier au vainqueur de la primaire, François Hollande. Il le fait, dit-il, avec sincérité, avec le souci d’apporter au candidat son expérience internationale, s’acquittant de plusieurs missions à l’étranger.
"C’est possible que nous ayons sous-estimé François Hollande", reconnaîtra-t-il.
En dehors du retour anticipé des soldats français d’Afghanistan, la diplomatie française devrait s’inscrire, sous Laurent Fabius, dans la continuité. Sur les dossiers brûlants, Syrie et Iran, la position de la France devrait rester inchangée.