Les arts de la Tbourida, inscrits mercredi sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de l’UNESCO, constituent une expression culturelle et populaire indissociable du patrimoine authentique marocain que cristallise la symbiose légendaire entre le cavalier et son cheval.
L’inscription de cette expression artistique sur la Liste de l’UNESCO témoigne de l’importance de ce legs profondément enraciné dans la conscience collective des Marocains et de leur histoire plurimillénaire.
Élément incontournable de toutes les festivités, la Tbourida s’est de tout temps imposée, de par sa magie, ses rituels et ses symboles, comme le clou de spectacle de tous les festivals et moussems qui essaiment l’ensemble du territoire national.
Expression artistique immanente au peuple marocain et à ses ressorts les plus enfouis, la Tbourida traditionnelle a toujours envoûté par ses charmes écrivains et artistes, au-delà des frontières.
Contre les vicissitudes du temps, ce spectacle haut en couleurs et en symboles n’a cessé d’éveiller un curieux attachement, constamment renouvelé, auprès des jeunes générations, avides de perpétuer les gloires des ancêtres et leur faits d’armes pour la défense de la patrie.
En témoigne l’affluence toujours inégalée dont jouissent les concours comme les spectacles de la Tbourida, qui rendent l’écho d’une passion fusionnelle entre le cavalier et sa monture et où s’entremêlent noblesse sauvage du cheval, exaltation guerrière et odeur âcre de la poudre.
A la confluence du sport et du spectacle, cet art équestre traditionnel s’est enrichi, au fil du temps, par les harnachements multicolores des chevaux, les costumes chatoyants des cavaliers, la diversité des broderies, des burnous, des baudriers, et autres capes et turbans,… Autant de composantes qui, à elles seules, constituent un festival de couleurs, de senteurs et de symboles.
Érigé au fil de ses multiples éditions en rendez-vous incontournable de la discipline, le Prix Hassan II des arts équestres traditionnels a servi de catalyseur ayant permis de perpétuer la transmission de cet art de génération en génération, particulièrement auprès des jeunes, mais aussi et surtout auprès des jeunes filles qui, désormais, font leur entrée magistrale dans un domaine jadis réservé aux hommes.
Soucieuse de maintenir vivace cette tradition et d’en perpétuer la pratique et la mémoire, la Fédération Royale Marocaine des Sports Equestres a consacré une compétition aux jeunes âgés de 10 à 15 ans, qui concourent dans des « sorbas » soumises aux normes adoptées dans le classement des aînés.
Dans la foulée, l’intérêt pour la Tbourida est allé crescendo à la faveur de compétitions nationales annuelles pour la sélection des meilleures « sorbas », du meilleur cavalier, du meilleur cheval et du meilleur habillement traditionnel.
Si la Tbourdia constitue, au sein du patrimoine national, une composante majeure des pratiques liées au cheval, elle cristallise aussi de multiples dimensions du patrimoine culturel immatériel, notamment les rituels, aptitudes et savoir-faire relatifs à l’habit traditionnel, à l’artisanat, outre le legs oral indissociable de cette pratique équestre, dont l’apparition remonte, selon les historiens, au 15ème siècle.
Profondément ancrée dans la culture arabo-amazighe du Royaume, c’est donc légitimement que le Maroc a officiellement déposé, en 2019, un dossier de candidature pour l’inscrire sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Ce dossier a été élaboré par le ministère de la Culture et de la Communication en partenariat avec la Société Royale d’encouragement du cheval et la Fédération Royale marocaine des sports équestres.
Dérivée du mot « baroud » qui signifie « poudre à canon », elle se déroule sur une piste sablée, appelée « Mahrek », qui s’étend sur 200 mètres de long et 70 mètres de large, incluant les aires de sécurité. Autour de cette piste, des espaces réservés aux spectateurs sont parfois aménagés. Souvent s’y concentrent aux alentours des commerces d’artisanat marocain et de vente de produits du terroir.
Chaque parade est effectuée par une troupe, appelée « sorba », constituée de cavaliers et de chevaux alignés et au milieu desquels se place le chef de la troupe, le « mokaddem » avec sa monture.
Sous la direction du « mokaddem », cavaliers et chevaux d’une troupe s’apprêtent ensuite à exécuter une parade composée de deux parties principales : la « hadda », ou le salut de la troupe, qui entre au trot en piste et réalise un maniement d’armes acrobatique, et la « talqa » qui marque le départ des troupes repartant au galop et effectuant un tir au fusil, à blanc, avant de se retirer.
On dénombre près d’un millier de troupes dans tout le Maroc. Elles réalisent des spectacles pour animer les moussems. Parmi elles, 330 participent officiellement à un championnat national annuel, composé de concours régionaux, interrégionaux et d’une finale nationale.
L’inscription de la Tbourida sur la Liste de l’UNESCO devra contribuer à accroître sa visibilité et à assurer la survie et le rayonnement des diverses traditions et expressions culturelles régionales locales qui y sont associées (selliers, maréchaux-ferrants, tapissiers, couturiers, spécialistes du cuir).
Au niveau national, cette inscription permettra de favoriser les échanges culturels interrégionaux, d’améliorer des pratiques équestres plus respectueuses du bien-être du cheval et de valoriser les moussems et les concours de la Tbourida en général auprès des populations urbaines et aussi auprès des touristes nationaux.
Au niveau international, son inscription contribuera à la visibilité du patrimoine immatériel en général, et permettra d’associer le cheval à la perception internationale de l’identité culturelle marocaine, outre la mise en valeur et la préservation des races équines Barbe et Arabe-Barbe, récemment menacées de disparition et dont le patrimoine génétique fait l’objet de mesures de sauvegarde.