La France « paiera le prix demain » de sa carence face à la situation actuelle en Algérie (ancien officier)
L’officier retraité de l’armée algérienne devenu politologue, Mohamed Chafik Mesbah*, met en garde contre le risque « d’implosion » après le 17 avril et se dit surpris par l’ »apparente indolence » des autorités françaises face à la situation qui prévaut en Algérie. « Cette carence, la France en paiera le prix demain. Si un pouvoir légitime accédait au pouvoir en Algérie, il dénoncerait forcement toutes les facilités militaires et commerciales accordées à la France par M. Abdelaziz Bouteflika ».
Selon Mohamed Chafik Mesbah, la situation actuelle en Algérie est une « bombe à retardement à proximité immédiate du territoire français, en termes géographiques comme en termes de présence et de flux humains".
« Ce n’est pas une menace virtuelle », relève-t-il, avant de déplorer le manque d’une « démarche stratégique française vis-à-vis de l’Algérie ». « Cette carence, la France en paiera le prix demain. Si un pouvoir légitime accédait au pouvoir en Algérie, il dénoncerait forcement toutes les facilités militaires et commerciales accordées à la France par M. Abdelaziz Bouteflika », prévient-il.
Interrogé sur l’attitude de la communauté internationale, il rappelle que l’Union européenne a refusé d’être présente lors des opérations de vote. « Qu’elle ne soit pas présente signifie juste qu’"elle se lave les mains" du scrutin. Les États-Unis, très pragmatiques, ne sont pas non plus focalisés sur l’élection », poursuit-t-il.
« En revanche, si le résultat tronqué de l’élection devait conduire à une aggravation de la situation en Algérie avec un risque majeur d’implosion du pays, la communauté internationale, je veux dire occidentale, sera sommée de réagir », prévient cet officier retraité et politologue.
Quant à un quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, 77 ans, il estime que c’est « celui de la stupidité », indiquant que le scrutin pourrait déboucher sur une forte période d’instabilité politique, avec un risque de soulèvement populaire. « Il y a un acharnement pathologique qui risque de conduire à une issue dramatique ».
Mohamed Chafik Mesbah compare la situation actuelle en Algérie à la période où en Russie, l’ancien président Boris Eltsine, malade et vieillissant, affaibli et empêtré dans de graves affaires de corruption, voulait passer la main en s’entourant de toutes les garanties nécessaires pour assurer l’impunité de sa famille.
« Il a trouvé Vladimir Poutine pour lui succéder et assurer son impunité. M.Abdelaziz Bouteflika est en quête d’un Poutine à deux têtes. Celui qui devra gérer de manière autoritariste la société et les appareils de l’État, c’est Ahmed Ouyahia, actuellement directeur de cabinet du président Bouteflika », souligne-t-il.
Sur la crainte d’un retour des islamistes sur le devant de la scène, M. Mesbah note que « l’éradication de la menace islamiste est une chanson éculée ». « En Algérie, le champ politique ne pourra jamais être organisé de manière durable sans la présence d’un courant islamiste, qui devra cependant faire sa mue », ajoute-t-il.