"Nous avons dit à l’Europe et à la communauté internationale que nous devons cesser de dormir, que quelque chose de très grave se produit et qu’il n’est pas juste de nous laisser régler tous les problèmes sous prétexte que nous sommes les plus proches", a déclaré samedi le président du Conseil Matteo Renzi à la chaîne publique TG1.
"Il faut une mission plus forte de l’ONU. L’Italie est prête, dans le cadre d’une mission ONU, à remplir son rôle pour défendre une idée de la liberté dans la région méditerranéenne", a-t-il ajouté.
Dans une interview remarquée à la chaîne SkyTg24, le chef de la diplomatie italienne, Paolo Gentiloni, avait jugé vendredi qu’il fallait "se poser, avec les Nations unies, la question d’entreprendre quelque chose de plus" si "une médiation ne peut être trouvée" entre les belligérants.
"L’Italie est prête à combattre dans le cadre de la légalité internationale", avait-il ajouté. Une formule reprise samedi à la une des médias italiens.
M. Gentiloni pensait à un combat contre la menace du terrorisme et n’entendait pas spécifiquement des forces militaires, a expliqué samedi à l’AFP une source proche du gouvernement.
Mais l’Italie serait parmi les premiers pays à participer à une opération de maintien de la paix sous mandat de l’ONU, comme elle le fait par exemple au Liban. Les Italiens sont les plus actifs et les plus intéressés à une stabilisation de ce pays, a-t-elle ajouté.
Selon les médias italiens, la radio de l’EI émettant de Mossoul (Irak) a contre-attaqué en traitant M. Gentiloni de "ministre de l’Italie croisée".
En décembre, M. Gentiloni avait averti que l’Italie n’accepterait pas une division de la Libye, "à 200 milles de nos côtes". Il avait demandé l’organisation d’une table ronde des forces modérées –qui semble plus difficile que jamais– et exprimé la disponibilité à participer à une opération de "peace keeping" (maintien de la paix).
Or selon l’experte de l’International Crisis Group, Claudia Gazzini, "une opération de peacekeeping est difficile s’il n’y a pas au moins un accord de paix" au prélable.
"Or les conditions militaires, politiques et de sécurité sont désespérées", ajoute-t-elle dans le quotidien Repubblica, en décrivant le fractionnement extrême des camps en présence en Libye.
La Libye est plongée dans le chaos avec deux gouvernements rivaux, l’un mis en place par une coalition de milices, Fajr Libya, qui s’est emparée de la capitale cet été, et l’autre reconnu par la communauté internationale et qui a dû s’exiler dans l’est du pays. Le groupe Etat islamique (EI) serait actif dans sept villes, selon un haut responsable libyen.
"Califat à nos portes"
L’Italie se sent menacée à plusieurs égards: afflux en Italie d’immigrés fuyant divers conflits vers l’Europe -une moyenne de 400 par jour, principalement d’Afrique, et 80% passant par la Libye–, naufrages dramatiques au large de la Sicile faute de dispositif de secours européen efficace, intérêts gaziers et pétroliers à risque, etc.
"On ne peut accepter qu’à quelques heures seulement de navigation d’ici, il y ait une menace terroriste", a ajouté à SkyTG24 M. Gentiloni.
Son collègue de l’Intérieur Angelino Alfano a dénoncé le risque d’"un califat islamique à nos portes".
Certaines voix dans l’opposition de droite xénophobe, hostile à l’immigration clandestine, vont jusqu’à réclamer l’envoi de bataillons militaires sur l’île de Lampedusa.
– Responsabilité européenne –
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Face à la poussée jihadiste, la centaine d’Italiens venus travailler en Libye ont été appelés à la quitter rapidement. Beaucoup seraient en train de partir, indique-t-on à la Farnesina.
Quelques centaines d’autres ayant la double nationalité et leurs racines familiales dans le pays, devraient par contre rester.
L’ambassade à Tripoli reste encore ouverte, avec un personnel réduit.
Devant cette crise, le gouvernement italien s’adresse aussi à l’Europe.
"Sans une rapide mobilisation générale pour la Libye, nous assisterons à d’autres tragédies en mer et à l’installation d’un califat islamique à quelques milles nautiques de nos côtes qui sont italiennes et européennes", a averti M. Alfano.
L’Italie rappelle ainsi à l’Europe du nord, préoccupée par le front ukrainien, sa responsabilité sur le front méditerranéen.
Rome a critiqué le dispositif "Triton", l’opération européenne de contrôle des frontières, qui, faute de moyens, n’a pu éviter la disparition en Méditarranée de quelque 300 migrants mercredi dernier. Elle appelle l’Europe à faire davantage, dans son propre intérêt.