L’ex-avocat de Trump l’accable dans un témoignage public dévastateur
Moment politique extraordinaire même à l’aune d’une présidence passionnelle, l’ex-avocat Michael Cohen a livré mercredi une charge d’une violence inouïe contre son ancien patron Donald Trump, accusé d’être un « escroc » menaçant, aux liens suspects avec la Russie et qui n’a pas hésité à acheter le silence d’anciennes maîtresses.
S’il n’a pas apporté de preuve décisive d’une possible collusion entre Moscou et l’équipe de campagne du républicain lors de la présidentielle de 2016, l’ancien fidèle de Donald Trump a parlé de ses "soupçons". Et réaffirmé que c’était en complicité avec le président américain qu’il avait commis certains des délits qui le mèneront bientôt en prison.
Les traits tirés, la voix parfois brisée, Michael Cohen, 52 ans, a achevé son audition par une mise en garde: Donald Trump n’acceptera pas de quitter la Maison Blanche "pacifiquement" s’il n’est pas réélu en 2020.
Si ces accusations potentiellement dévastatrices ne suffisaient pas, Michael Cohen a en plus affirmé avoir connaissance d’autres actes répréhensibles ou illégaux impliquant Donald Trump dont il ne pouvait pas parler, car ils faisaient l’objet d’une enquête fédérale.
"Menteur pathologique", "criminel", "parjure condamné", les républicains, refusent toutefois d’attribuer toute crédibilité aux paroles de son ancien "pitbull" repenti, que le président a déjà traité de "balance".
Radié du barreau, Michael Cohen a été condamné en décembre à trois ans de prison pour parjure devant le Congrès et infraction au code électoral –des délits qu’il dit avoir commis pour protéger Donald Trump– et pour fraude fiscale. Il sera incarcéré le 6 mai.
"Maintenant il présente ce qu’il dit être des preuves, mais leur seul fondement est son propre témoignage, dont il a été prouvé auparavant qu’il ne vaut rien", a taclé mercredi la porte-parole de l’équipe menant la campagne de réélection de Donald Trump en 2020, Kayleigh McEnany.
Depuis le Vietnam où il rencontre le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un pour leur deuxième sommet, le locataire de la Maison Blanche avait tweeté avant l’audition: "Il ment afin de réduire sa peine de prison".
"Des soupçons" de collusion
Le ton avait été donné dès le début du témoignage de Michael Cohen devant la commission d’enquête de la Chambre des représentants.
Le président Trump "est un raciste. C’est un escroc. C’est un tricheur".
Puis Michael Cohen a détaillé les affaires privées du président et parlé de ses liens avec la Russie, qui auraient pu influencer l’élection du républicain en 2016. Un scrutin que le magnat de l’immobilier n’avait jamais envisagé de remporter, a-t-il affirmé.
Point potentiellement crucial, Michael Cohen a avancé que M. Trump connaissait à l’avance les révélations de WikiLeaks sur sa rivale démocrate, Hillary Clinton.
Un procureur spécial, Robert Mueller, enquête sur des soupçons de collusion entre Moscou et l’équipe de campagne du républicain. Michael Cohen a collaboré avec ces enquêteurs et ne peut donc faire aucun commentaire sur ces investigations.
Il a également expliqué comment il avait reçu pour instruction de son ex-patron de mentir sur un projet immobilier de la société Trump mené en Russie en pleine campagne présidentielle, contrairement à ce qu’affirmait le candidat républicain.
Acheter le silence
Travailler pour l’homme d’affaires new-yorkais, c’est être prêt à mentir "tous les jours", menacer des individus ou des entités en son nom, a insisté Michael Cohen.
Exemple de ces mensonges et efforts de dissimulation: Michael Cohen dit avoir organisé le versement de 280.000 dollars lors de la campagne présidentielle à deux femmes, l’ancienne actrice pornographique Stormy Daniels et la playmate Karen McDougal, pour acheter leur silence sur leurs liaisons supposées avec le milliardaire.
A l’appui, il a présenté mercredi une copie du chèque venant, selon lui, du compte personnel de M. Trump et que ce dernier a signé, une fois arrivé à la Maison Blanche, pour lui rembourser le paiement à Stormy Daniels.
A propos du racisme, M. Cohen affirme que M. Trump "est bien pire" que ce qu’il a donné à voir.
Les démocrates, désormais majoritaires à la Chambre, ont promis de lancer de nombreuses enquêtes parlementaires visant le président républicain. Avec, pour certains au moins, la perspective d’une procédure de destitution, ou "impeachement", qui reste toutefois très lointaine tant que le Sénat restera contrôlé par les républicains.
La preuve avec cette semaine marathon pour Michael Cohen. Après une première audition, à huis clos, mardi au Sénat, il sera encore entendu jeudi à partir de 09H30 (14H30 GMT) par la commission du Renseignement de la Chambre, cette fois loin des caméras.
Adam Schiff, président démocrate de cette commission, a prévenu mercredi soir: M. Cohen y sera notamment interrogé sur le rôle joué par la Maison Blanche lors de son faux témoignage devant le Congrès, une des raisons pour lesquelles il a été condamné.