« L’affaire Ribéry conforte le côté un peu ridicule des Bleus »
Entendu cette semaine comme témoin par la police dans le cadre d’une affaire de proxénétisme, le footballeur international Franck Ribéry risque une mise en examen pour sollicitation de prostituée mineure.
Directeur du laboratoire de sociologie du sport de l’Insep (Institut national du sport et de l’éducation physique), Patrick Mignon revient sur les répercussions d’une telle affaire sur l’image des Bleus, à moins de deux mois de la Coupe du monde en Afrique du Sud (11 juin-11 juillet).
Quel peut être l’impact de cette affaire sur l’équipe de France ?
Ça ne va pas arranger la mauvaise image des Bleus. Si celle-ci avait été bonne, cette affaire aurait été perçue comme quelque chose de secondaire. Les manquements à la morale n’auraient pas écorné l’image de l’équipe en général, et les Bleus auraient gardé la confiance et l’amour de leurs supporteurs. Là, au contraire, tous les éléments viennent s’additionner et conforter le passif et le côté un petit peu ridicule d’une équipe qui doute beaucoup. La méfiance va s’accroître et cette affaire va faire rire. Et puis si Govou [le nom du Lyonnais a été cité mais son avocat soutient que le joueur n’est impliqué] avait déjà un petit casier et s’inscrit dans la tradition du footballeur fantasque, Ribéry avait l’air sérieux. Il s’est converti à l’islam et présentait tous les signes extérieurs de la conformité religieuse.
Selon vous, comment l’opinion publique va-t-elle se positionner ?
D’un côté, l’opinion pourrait être tolérante parce que les affaires de fréquentation de prostituées ne sont généralement pas considérées comme un problème majeur. Même si le consensus pourrait cette fois ne pas dépasser un certain point parce que la jeune fille était mineure. D’un autre côté, cette affaire va choquer ceux qui conservent l’image d’Epinal du sportif, qui voudrait que les footballeurs soient des saints et ne soient les auteurs d’aucun manquement en dehors des stades. Le côté dévoyé et irresponsable des joueurs professionnels risque de s’en trouver renforcé : les gens vont dire que les footballeurs, très bien payés, vivent sur une autre planète.
Et vu de l’étranger ?
Des affaires avec des sportifs éclatent un peu partout, notamment dans des pays où le sport a plus d’importance qu’en France, comme aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Dans ces pays, des affaires similaires n’ont pas fait tomber la popularité du sport et de l’équipe concernés mais la condamnation était plutôt morale. Franck Ribéry est une idole au Bayern Munich donc la presse locale allemande accorde pour le moment peu d’importance à l’affaire. Mais à cause des querelles régionales, certains ne vont pas se gêner pour s’emparer de l’affaire. Et puis, tout le monde sait que les footballeurs ne sont pas des modèles de vertu…
Comment l’affaire peut-elle évoluer ?
Les affaires de transgression connaissent des cycles. On va maintenant assister à la théorie du complot, les avocats vont dire qu’on en veut à leurs clients et chercheront à les faire passer pour des victimes. Une telle stratégie fonctionne dans beaucoup de cas, notamment dans les affaires de dopage, où ceux qui aiment le sport concerné trouvent parfois une série d’éléments pour justifier le pardon et la compréhension. Ensuite, on va un peu oublier cette affaire quand il y aura une autre actualité. Si elle ressurgit pendant la phase de préparation à la Coupe du monde, il y aura une tension entre ceux qui voudront laisser l’équipe se préparer tranquillement et l’actualité judiciaire, et il sera alors intéressant de voir quelle sera la priorité à ce moment-là.