"Certains se demanderont pourquoi cela nous a pris tant de temps pour en arriver là", concédait jeudi soir un responsable du département d’Etat après l’annonce d’un accord entre les deux puissances sur un texte encadrant la destruction des armes chimiques syriennes.
"En fait, au rythme où les résolutions avancent aux Nations unies, ce projet de résolution a été négocié assez rapidement. Parfois, il faut beaucoup plus de temps", a ajouté ce diplomate américain en faisant référence aux tractations de ces deux dernières semaines sur la question.
Tout a commencé après des propos, qu’on disait alors improvisés, tenus par John Kerry le 10 septembre à Londres. Alors que le monde s’attendait à des frappes américaines sur la Syrie, le secrétaire d’Etat lançait l’idée que cette action militaire pourrait être évitée si le président syrien Bachar al-Assad consentait à abandonner son arsenal d’armes chimiques.
Quelques heures plus tard, diplomates et experts en armement russes et américains faisaient leurs valises pour se rendre à Genève pour ce qui devait être plusieurs jours d’intenses réunions techniques à huis clos dans un hôtel de luxe tout proche des bâtiments des Nations unies.
L’idée lancée par M. Kerry de façon impromptue était tout à coup en train de prendre forme. Et alors que des hordes de reporters faisaient le siège des salles de réunion, au grand dam des clients fortunés de ce luxueux établissement avec vue sur le lac de Genève, les membres des deux délégations allaient et venaient fébrilement dans les couloirs.
Le ministre des Affaires étrangères russe Sergeï Lavrov s’éclipsait ainsi à deux reprises de la salle de réunion principale, vraisemblablement pour discuter avec Moscou des tractations en cours par le biais d’une ligne sécurisée.
L’idée née à Londres, façonnée à Genève, prend vie à New York
=============================================================
Mais dans le même temps, des rumeurs pessimistes rapportaient que son avion était en stand-by, prêt à décoller sur le tarmac de l’aéroport. Celles-ci étaient vite démenties par un membre de la délégation russe: "C’est OK, on reste ici cette nuit". De sérieuses négociations étaient toujours en cours.
Aux petites heures du samedi 14 septembre, un premier projet de texte était transmis à la Maison Blanche et au Kremlin.
Apprenant à un moment que M. Lavrov prenait l’air près de la piscine, John Kerry allait le rejoindre pour négocier encore quelques détails sur une table en bois au bord du bassin. Puis, enfin, les deux hommes pouvaient venir annoncer devant les caméras qu’un accord avait été trouvé.
Cependant, le projet de texte américano-russe de démanteler environ 1.000 tonnes d’armes chimiques syriennes d’ici 2014 devait toujours prendre la forme d’une résolution avant d’être soumise au Conseil de sécurité de l’ONU.
Les négociations ont ainsi repris en début de semaine, cette fois dans l’austère immeuble des Nations unies à New York, en marge de l’assemblée générale annuelle de l’ONU, que John Kerry surnomme en plaisantant le "speed dating de la diplomatie".
Le secrétaire d’Etat et son homologue Sergeï Lavrov se sont de nouveau retrouvés des heures durant pour mettre la dernière main à l’accord. En chemise, crayon à papier en main, ils ont revu l’intégralité du texte mardi après-midi dans une pièce de la délégation russe, avec au mur notamment un portrait de Vladimir Poutine. Au final, les deux puissances ont annoncé jeudi un accord et le projet de résolution a été présenté au Conseil de sécurité dans la soirée.
L’idée née à Londres, façonnée à Genève et mise en forme à New York, est à présent sur le point de prendre vie.
"On peut dire que ça a été une journée plutôt productive. Des choses importantes se sont produites ici aujourd’hui", s’est félicité jeudi le diplomate américain, souriant à l’idée que ces longues heures d’âpres négociations ont enfin porté leurs fruits.
