L’accident de safari du roi Juan Carlos choque les Espagnols

Le roi Juan Carlos a cristallisé contre lui la colère des Espagnols, jeunes et vieux, de gauche comme de droite, travailleurs ou chô meurs, en allant chasser l’éléphant en Afrique alors que le gouvernement de Madrid multiplie les mesures d’austérité pour tenter de sortir le pays de la crise.

La chute du souverain âgé de 74 ans a attiré l’attention sur ce voyage, dont un grand journal espagnol estime le coût à deux fois le revenu annuel moyen d’un salarié espagnol.

A l’heure où le chô mage frappe 23% de la population active -et près de la moitié des jeunes- et où l’Espagne emprunte à des taux d’intérêts alarmants sur les marchés, faisant craindre qu’elle ne soit le prochain pays européen à demander un plan de sauvetage international, les conséquences sont désastreuses en termes d’image publique de la famille royale, surtout quand le souverain a déclaré que le chô mage l’empêchait de dormir.

"Affreux. Je pense que ce que le roi a fait est affreux, à cause du manque de solidarité avec les gens qui ont faim ici. Ce qu’il a fait est mal. Il doit montrer davantage d’humanité", estimait Angelica Diaz, femme au foyer de 70 ans, rencontrée dans une rue de Madrid.

La polémique a éclaté quand le roi s’est fracturé la hanche droite lors d’une chute dans son bungalow au Botswana vendredi, ce qui a nécessité son rapatriement d’urgence par avion afin de l’opérer. Certains soulignent aussi que le souverain porte le titre de président honoraire de la branche espagnole de l’organisation de défense de la nature WWF (World Wildlife Fund).

Pendant sa convalescence, qui doit durer au moins un mois, le prince héritier Felipe, âgé de 44 ans, assure l’intérim.

Selon "El Mundo", le gouvernement de Mariano Rajoy n’a été informé du déplacement royal qu’après l’accident. "Le chef du gouvernement doit savoir en permanence où se trouve le chef de l’Etat", critique le journal conservateur.

La famille royale fait beaucoup parler d’elle dans les médias ces derniers temps. A Pâques, c’est le petit-fils de Juan Carlos, âgé de 13 ans, qui s’est tiré dans le pied avec un fusil de chasse alors que le maniement d’armes à feu est interdit jusqu’à 14 ans. Légalement, le garçon pourrait écoper d’une amende.

Plus grave, le gendre du souverain, Inaki Urdangarin, est soupçonné d’avoir détourné plusieurs millions d’euros de contrats publics par l’intermédiaire de la fondation à but non lucratif qu’il dirigeait.

Si "El Mundo" rappelle que Juan Carlos a facilité la transition de l’Espagne vers la démocratie après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975, il a publié dimanche une caricature montrant un éléphant qui piétine la couronne et un éditorial ainsi intitulé: "Un voyage irresponsable au plus mauvais moment". Le roi devrait "reconnaître son erreur et en tirer les leçons", sermonne le journal.

Des excuses royales? "Ce ne serait pas une mauvaise idée", a estimé Patxi Lopez, président de la région basque. "En ces temps difficiles, il y a des choses que les gens ne peuvent tout simplement pas comprendre et c’en est une", a-t-il jugé lundi.

Pour Javier del Rey, professeur de communication politique à l’Université Complutense de Madrid, les Espagnols ne sont pas profondément attachés à la monarchie mais éprouvent de la gratitude pour le roi, qui a joué un rô le crucial en 1981 dans l’échec d’une tentative de putsch menée par des officiers nostalgiques du régime du général Franco.

Le prince Felipe, estime le professeur Del Rey, doit être catastrophé par l’image que donne la famille royale ces derniers temps. "Il sait qu’il y a des choses dont on n’hérite pas. Jusqu’à un certain point, la monarchie est un plébiscite quotidien, pas un simple héritage qu’il suffit de revendiquer", analyse-t-il.

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