"Grande catastrophe", "escalade", "violence"… les alliés des Palestiniens ont multiplié lundi les avertissements.
La question est pourtant la même tous les six mois depuis plus de deux décennies: le président américain accepte-t-il de déménager l’ambassade des Etats-Unis en Israël vers Jérusalem, comme le prévoit une loi adoptée en 1995 par le Congrès, ou signe-t-il une dérogation pour la maintenir à Tel-Aviv, à l’instar du reste de la communauté internationale ?
Jusqu’ici, les présidents successifs ont choisi la seconde solution. Donald Trump lui-même, malgré sa promesse de campagne en faveur d’un déménagement, a fini en juin, lors de la précédente échéance, par se résoudre à attendre, pour "donner sa chance" à la paix entre Israéliens et Palestiniens.
La nouvelle date-butoir pour renouveler la dérogation tombe théoriquement ce lundi, mais un certain flou régnait à Washington et il est possible qu’aucune annonce ne soit faite dans la journée.
"Le président étudie encore les différentes options et nous n’avons rien à annoncer", a dit lundi matin à l’AFP une responsable du département d’Etat, rappelant seulement que Donald Trump "a toujours dit" qu’un transfert de l’ambassade interviendrait tôt ou tard.
"On a là une occasion historique de réparer une injustice", a lancé lundi le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman.
Mais selon plusieurs observateurs, le milliardaire républicain est tenté par une troisième voie qui pourrait consister à repousser encore un tel déménagement tout en reconnaissant solennellement, sans attendre, Jérusalem comme capitale d’Israël. Il devrait annoncer son choix lors d’un discours sur ce sujet explosif mardi ou mercredi, selon des médias et des responsables américains, même si rien de définitif n’est encore calé.
Mobilisation internationale
Car même cette solution de compromis serait un casus belli, ont prévenu ces derniers jours les dirigeants Palestiniens, qui estiment que Jérusalem-Est, annexée par Israël en 1967, doit être la capitale de l’Etat auquel ils aspirent et que le statut de la ville ne peut être réglé que dans le cadre d’un accord de paix avec les Israéliens.
Les Palestiniens étaient déjà échaudés par l’imbroglio de leur mission diplomatique à Washington, que les Etats-Unis ont récemment envisagé de fermer pour des raisons relativement obscures avant d’engager un revirement.
Pour leur président Mahmoud Abbas, qui tente de mobiliser la communauté internationale et s’est entretenu avec ses homologues français Emmanuel Macron et turc Recep Tayyip Erdogan, reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël "détruirait le processus de paix" — que Donald Trump se dit pourtant déterminé à relancer et même à faire aboutir. Les islamistes du Hamas ont menacé d’une "nouvelle Intifada".
A l’approche de la décision, d’autres pays et organisations sont montés au créneau.
La Turquie a estimé lundi que cela provoquerait "une grande catastrophe" et "mettrait fin au processus de paix", ouvrant la voie "à de nouveaux affrontements". La Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans de Jérusalem, a aussi mis en garde contre "une démarche aux conséquences graves" et les risques d’"escalade".
Des avertissements relayés par l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui réunira un sommet de ses 57 pays membres si Donald Trump reconnaît Jérusalem comme capitale, et par le chef de la Ligue arabe Ahmed Abul Gheit, aux yeux duquel "le fanatisme et la violence" seraient nourris par une telle décision, si symbolique soit-elle.
Et selon le département d’Etat, le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson s’est entretenu ce weekend avec ses homologues égyptien et jordanien.
C’est donc un dilemme pour le président des Etats-Unis, qui peine à tenir les promesses du candidat Trump: s’il respecte celle-ci, il risque de faire capoter les efforts de son conseiller Jared Kushner, auquel il a confié la tâche de réconcilier Israël et les Palestiniens. Une paix indispensable, aux yeux du gendre de Donald Trump, pour ramener la stabilité dans la région et souder Israéliens et pays arabes contre un ennemi commun, l’Iran. (afp)