Indignation européenne sur les soupçons d’espionnage US

Les révélations sur le système planétaire d’espionnage américain ne tarissent pas. Ainsi vient-on d’apprendre que les institutions de l’Union européenne ont été spécifiquement ciblées par Washington. Le programme d’espionnage de la NSA américaine (Agence nationale de sécurité) a également visé l’Union européenne, a assuré, dimanche 30 juin, le magazine allemand Der Spiegel, fondant ses accusations sur des documents confidentiels dont il a en partie pu avoir connaissance grâce à l’ancien consultant américain de la NSA Edward Snowden. À l’origine des révélations sur ce programme baptisé Prism, ce dernier était toujours bloqué à Moscou depuis une semaine en attendant de trouver un pays d’accueil. Les Européens ont exigé dès hier des explications, ce qui pourrait compliquer les relations transatlantiques.

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La stupéfaction est telle que de nombreuses voix s’élèvent, y compris au sein de la Commission européenne, pour remettre en cause l’ouverture des négociations sur un nouvel accord de libre-échange avec les Etats-Unis.

Usant d’un ton inhabituellement ferme à l’égard des Etats-Unis, la Commission européenne dit avoir pris contact avec les autorités américaines au sujet d’un article du Spiegel selon lequel les services secrets américains ont piégé les locaux de l’UE à Washington, à Bruxelles et à l’Onu pour avoir accès à ses réseaux informatiques internes.

"Nous sommes immédiatement entrés en contact avec les autorités américaines à Washington et à Bruxelles et nous leur avons soumis les articles de presse", écrit la Commission dans un communiqué. "Ils nous ont répondu qu’ils vérifiaient l’exactitude des informations diffusées hier et qu’ils nous recontacteraient",ajoute-t-elle.

La porte-parole de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a également déclaré que les autorités américaines avaient été immédiatement contactées, à Washington et à Bruxelles, afin "d’obtenir d’urgence des clarifications sur la véracité et sur les faits entourant ces allégations".

Le gouvernement américain a fait savoir qu’il répondrait parle canal diplomatique aux demandes d’explications. "Nous discuterons aussi de ces questions de manière bilatérale avec les Etats membres de l’UE", a déclaré un porte-parole de la direction du renseignement national américain.

"Nous n’allons pas faire publiquement de commentaires sur ces allégations concernant des activités de renseignement (…) Les Etats-Unis recueillent certaines informations à l’étranger comme le font tous les pays", a simplement ajouté le porte-parole.

Le Spiegel a enfoncé le clou dimanche en rapportant que la National Security Agency (NSA) interceptait chaque mois en Allemagne quelque 500 millions de communications, par téléphone ou internet, et près de dix fois moins en France.

Le magazine allemand dit s’appuyer sur un document classé "strictement confidentiel" de la NSA obtenu par l’intermédiaire d’Edward Snowden, l’informaticien à l’origine du scandale Prism, du nom du programme américain de surveillance des communications à travers le monde.

"Si les révélations des médias sont justes, cela rappelle les initiatives prises entre ennemis durant la Guerre froide. Cela dépasse l’imagination que nos amis aux Etats-Unis considèrent les Européens comme des ennemis", a réagi la ministre allemande de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger.

"S’il est vrai que des représentations de l’UE à Bruxelles et à Washington ont été effectivement mises sur écoute par les services secrets américains, cela peut difficilement être justifié par l’argument de la lutte contre le terrorisme", a-t-elle ajouté dans un communiqué.

L’Allemagne, qui héberge des bases militaires américaines, est décrite dans le document cité dimanche par le Spiegel comme un partenaire de "troisième classe", ce qui lui vaut d’être le pays de l’Union européenne le plus surveillé, à un niveau comparable à la Chine, l’Irak ou l’Arabie saoudite.

Le Spiegel précise que la NSA espionne aussi bien les appels téléphoniques que les sms, les courriels et les forums de discussion et qu’elle sauvegarde l’historique des connections -mais pas leur contenu – sur les serveurs de son quartier général à Fort Meade, dans le Maryland.

Le parquet fédéral d’Allemagne a dit réfléchir à la possibilité d’ouvrir une enquête.

La NSA surveille en moyenne 20 millions d’appels téléphoniques par jour en Allemagne et 10 millions d’échanges de données internet, mais ce chiffre peut s’élever jusqu’à 60 millions d’appels les jours les plus chargés, précise le Spiegel. En comparaison, la France apparaît presque épargnée avec quelque deux millions de connections surveillées par jour, selon l’hebdomadaire allemand.

La surveillance des communications privées est un sujet particulièrement sensible en Allemagne en raison des précédents de la Stasi en ex-RDA et de la Gestapo dans l’Allemagne hitlérienne.

L’Allemand Martin Schulz, président du parlement européen, s’est dit "choqué" et a jugé que si les informations du Spiegel étaient vraies, cela aurait un "impact sérieux" sur les relations entre Bruxelles et Washington.

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