Grève massive dans le secteur public en Tunisie

Transports, écoles et administrations sont paralysés jeudi en Tunisie par une grève générale massive dans les services publics à l’appel de la puissante centrale syndicale UGTT, dans un contexte politique tendu en ce début d’année électorale.

"Dégage, gouvernement du FMI", ou encore "Chahed, ô lâche, le peuple tunisien n’accepte pas l’humiliation", ont scandé des manifestants, reprochant au Premier ministre Youssef Chahed de céder aux directives du Fonds monétaire international (FMI).

Certains ont arboré des portraits de la directrice du Fonds, Christine Lagarde, barrés d’une croix rouge, tandis que le journal de l’UGTT arborait en Une un photomontage montrant M. Chahed en marionnette de Mme Lagarde.

Le pays, lourdement endetté auprès de bailleurs étrangers, a obtenu en 2016 du FMI un nouveau prêt de 2,4 milliards d’euros sur quatre ans, en promettant de mener de vastes réformes, et de diminuer le poids de la fonction publique dans le PIB –les gouvernements successifs ont massivement recruté après la révolution pour tenter d’apaiser la colère sociale.

A travers le pays, écoles et universités étaient fermées, les transports en commun paralysés et l’aéroport de Tunis quasiment à l’arrêt, en dépit d’un décret gouvernemental publié in extremis mercredi exigeant un service minimum.

De nombreux vols ont également été annulés ou repoussés dans d’autres aéroports du pays, à Monastir (est) et Djerba (sud-est) notamment

– Un quart de la population active –

L’UGTT a appelé à une grève de 24 heures des 677.000 fonctionnaires et 350.000 employés des entreprises publiques, soit un million de personnes, représentant près d’un quart de la population active tunisienne.

A Sfax, deuxième ville du pays, des manifestants ont également défilé par milliers, a constaté un correspondant de l’AFP.

Dans un discours devant la foule rassemblée au siège de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) à Tunis, le secrétaire général Noureddine Taboubi s’est montré très offensif envers le gouvernement.

"L’UGTT s’opposera à l’échec des choix libéraux de ces dirigeants", a-t-il lancé, assurant "nous (leur) couperons les ongles" afin de les rendre impuissants.

Le syndicat réclame des augmentations de salaires plus importantes que les 130 à 180 dinars (40 à 55 euros) étalés sur deux ans proposés par le gouvernement, pour contrer la baisse du pouvoir d’achat due à l’inflation, qui a atteint 7,5% en 2018.

Le salaire brut moyen d’un fonctionnaire est de 1.580 dinars (500 euros) selon le dernier rapport officiel pour 2016.

– "Course-poursuite" –

Le Premier ministre a assuré, dans un discours télévisé mercredi soir, que les finances publiques ne permettaient pas d’accepter les demandes de l’UGTT, ajoutant que le dialogue se poursuivrait après la grève.

"Ce sont les augmentations salariales concédées après la révolution en l’absence de croissance réelle qui ont entraîné l’inflation, l’endettement et la baisse du pouvoir d’achat", a-t-il argué.

Pour l’économiste Ezzedine Saïdane, la situation résulte d’une "absence de vision globale" à long terme et de réformes économiques.

"Les négociations auraient dû débuter avant le vote du budget 2019", dont "aucun article ne prévoit une augmentation" des salaires, a-t-il déploré.

Au lieu d’une "course-poursuite au salaire, qui risque d’augmenter la dette et l’inflation, il faudrait un programme de réformes structurelles de l’économie, pour limiter l’inflation, relancer une croissance créatrice d’emploi", a-t-il déclaré à l’AFP.

La grève de jeudi est la première à rassembler la fonction publique et les entreprises publiques.

Une grève des fonctionnaires avait été très suivie en novembre dernier, d’une ampleur inédite depuis deux grèves générales en 2013 en réaction aux assassinats de deux opposants.

Ces mobilisations interviennent alors que le débat politique s’est crispé ces derniers mois à l’approche des élections législatives et présidentielle prévues fin 2019, à l’issue incertaine et dans lesquelles l’UGTT souhaite peser.

Malgré les avancées de la transition démocratique après la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali en 2011, et une reprise fragile de la croissance après des années de marasme, la Tunisie peine à répondre aux attentes sociales.

Le chômage se maintient au-dessus de 15%, selon les chiffres officiels, et la dévaluation du dinar s’est traduite par une inflation désastreuses dans un pays où le salaire minimum est en deça de 400 dinars (120 euros).

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