Fraude aux dividendes: l’Autorité bancaire européenne veut muscler les dispositifs de lutte
L’Autorité bancaire européenne (ABE) a publié mardi un plan d’action pour lutter contre les fraudes fiscales liées aux dividendes, révélant au passage un manque de coordination entre les Etats membres et entre les différentes autorités à l’échelon national.
Près de deux ans après l’éclatement du scandale de fraude aux dividendes dit « cum-ex », l’Autorité bancaire européenne, mandatée fin novembre 2018 par le Parlement européen pour enquêter sur le sujet, a rendu sa copie.
Selon un consortium de 19 médias européens qui a révélé l’affaire en octobre 2018, ces montages frauduleux ou litigieux, élaborés puis découverts dès 2012 en Allemagne, ont pris une ampleur européenne au point de léser de près de 55 milliards d’euros d’impôts une dizaine de pays européens depuis 2011.
Le gros de la facture, quelque 46 milliards d’euros, est liée à une pratique d’optimisation baptisée « cum-cum ». Cette technique d’arbitrage sur dividendes, située selon ce groupe de médias « à la limite de la légalité », joue sur la fiscalité différenciée entre investisseurs nationaux et étrangers.
Une autre pratique dite « cum-ex », elle considérée comme frauduleuse, consiste à acheter puis à revendre des actions autour du jour de versement du dividende, si vite que l’administration fiscale n’identifie plus le véritable propriétaire.
Des investisseurs pouvaient ainsi revendiquer plusieurs fois le même crédit d’impôt sur les bénéfices attachés au dividende, lésant ainsi le fisc.
Arrivée au terme de son investigation, l’ABE conclut qu’il existe des différences d’appréciation entre les autorités nationales européennes sur ces « systèmes d’arbitrage sur les dividendes » en raison de « différences entre les régimes fiscaux nationaux des États membres ».
« Les systèmes d’arbitrage sur les dividendes ne sont pas possibles dans certaines juridictions et, lorsqu’ils le sont, ils ne sont pas toujours traités comme des délits fiscaux », relève l’ABE, pour qui ces montages « portent atteinte à l’intégrité du système financier » de l’Union européenne.
Chargée depuis début janvier 2020 de coordonner les politiques financières européennes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, l’ABE entend désormais muscler son action en matière de fraude aux dividendes au travers d’une feuille de route détaillée en dix points.
L’un des objectifs est de conduire les autorités nationales et les établissements de crédit à adopter « une vision globale des risques » induits par ces techniques d’arbitrage, en passant au crible de la conformité contrôles et dispositifs de gouvernance internes des établissements financiers.
« Les attentes portent également sur l’échange d’informations entre les autorités prudentielles et de lutte contre le blanchiment d’argent » ainsi qu’avec les autorités fiscales au sein des Etats membres, pointe l’ABE.
L’autorité bancaire indique qu’elle « mènera ensuite une deuxième enquête formelle sur les mesures prises par les institutions financières et les autorités nationales pour superviser le respect des exigences modifiées ».