France: une loi santé entre urgence et ordonnances
Le gouvernement présente mercredi un projet de loi santé qui doit être adopté d’ici l’été pour réformer en priorité les études de santé et la carte hospitalière, mais dont le contenu sera en grande partie précisé par décrets et ordonnances, ce qui inquiète certains médecins et élus locaux.
Le texte traduit une partie des mesures du plan "Ma Santé 2022", détaillées en septembre par Emmanuel Macron, dont l’emblématique suppression du "numerus clausus" et du redoutable concours de fin de première année d’études de santé.
Un carcan censé disparaître à la rentrée 2020, ce qui permettra d’"augmenter de 20% à peu près le nombre de médecins formés", selon la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. En 2018, le quota était fixé à 8.205 places.
Mais le temps est compté: il faut que la loi soit votée avant la rentrée de septembre, pour que les futurs élèves de terminale puissent s’informer via Parcoursup dès l’automne.
Engagé dans une course contre la montre, le gouvernement n’a pas encore précisé comment seront choisis les futurs soignants. "Il y aura toujours une forme de sélection à la fin de la première année", a prévenu Frédérique Vidal.
La ministre de l’Enseignement supérieur a initié mardi à Reims un cycle de "concertations délocalisées" visant notamment à "préciser les critères de cette sélection", qui ne reposera plus "uniquement sur des batteries de QCM" mais inclura aussi un oral d’admission pour apprécier la "capacité d’empathie".
Rien ne dit toutefois que les députés auront toutes les cartes en main lorsque le texte arrivera en commission des affaires sociales à partir du 12 mars, avant une discussion en séance sans doute la semaine suivante.
Ce projet de loi est aussi l’occasion pour l’exécutif de réviser en profondeur la carte hospitalière. D’une part en redéfinissant les missions des hôpitaux de proximité, qui seront recentrés sur la médecine générale, la gériatrie et la rééducation, avec un peu de radiologie et de biologie, mais sans chirurgie ni maternité.
Sur les quelque 3.000 hôpitaux et cliniques existants, 500 à 600 doivent recevoir ce label d’ici 2022.
D’autre part, les règles d’autorisation de certaines activités (chirurgie, maternité, urgences…) et équipements comme les IRM seront modifiées "dans une logique de gradation des soins".
Ces deux sujets feront l’objet d’ordonnances, tout comme d’autres dossier complexes comme la "recertification des compétences des médecins" ou la création d’un "statut unique de praticien hospitalier".
Un procédé qui laissera 12 à 18 mois supplémentaires pour "aller plus loin dans la concertation", a assuré le député (LREM) Thomas Mesnier, rapporteur du projet de loi, lors d’un débat organisé par l’Ordre des médecins mardi.
"Ce débat ne doit pas avoir lieu dans l’enceinte du Parlement entre 577 personnes qui portent l’échappe tricolore (mais) entre les instances dirigeantes de notre pays et les acteurs du territoire", a renchéri son collègue Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée.
Lesdits acteurs restent pour l’heure sur leur faim: les associations d’élus locaux (AMF, ADF, Régions de France) et la fédération des hôpitaux publics (FHF) ont déploré dimanche "une concertation insuffisante en amont"
Quant à l’Ordre des médecins, son président Patrick Bouet a espéré pouvoir "faire évoluer certaines imprécisions" au Parlement, estimant que "la responsabilité du parlementaire est d’entendre tous les éléments pour réécrire un texte s’il n’est pas précis et clair dès le départ".