Fortes de leur référendum, Lombardie et Vénétie se tournent vers Rome
La Lombardie et la Vénétie étaient déterminées lundi à faire plier Rome et avoir davantage la main sur leurs finances après la solide victoire du oui au référendum d’autonomie, nouvelle illustration des forces centrifuges actuelles en Europe.
Ces deux riches régions, qui contribuent à hauteur de 30% du PIB italien et considèrent que Rome gaspille leurs impôts, veulent désormais négocier la nature et l’ampleur de leur autonomie, qui devra ensuite être validée par le Parlement.
Le président de la Vénétie, Luca Zaia, issu de la Ligue du Nord (extrême droite) tout comme son homologue lombard, a évoqué un "big bang" institutionnel, soulignant que la volonté d’autonomie était partagée "par une population entière".
Le conseil régional s’est réuni lundi matin pour examiner le projet à présenter au gouvernement.
"Nous allons demander 23 compétences, le fédéralisme fiscal et les 9/10èmes des taxes, exactement comme le prévoit la Constitution", a expliqué M. Zaia, qui réclamera que la Vénétie devienne une "région à statut spécial" comme c’est déjà le cas pour d’autres en Italie.
Parallèlement à des compétences renforcées en matière d’infrastructures, de santé ou d’éducation, les deux régions entendent surtout obtenir la restitution d’une grande partie de leur solde fiscal, alors que leurs habitants versent 70 milliards d’euros de plus par an en taxes et impôts qu’ils n’en reçoivent au titre des dépenses publiques.
Le résultat de ce référendum ne doit pas être "minimisé", "les gens ont voté pour envoyer un message (…) sérieux : ils demandent plus d’autonomie, d’efficacité, une plus grande équité fiscale, la lutte contre le gaspillage", a reconnu sur Facebook Matteo Renzi, président du Parti démocrate (PD, centre gauche) au pouvoir, qui n’avait pas donné de consigne à ses électeurs.
Soulignant que le vote était allé bien au-delà de la Ligue du Nord, il a jugé qu’outre la question des compétences régionales, "la vraie priorité" était de "réduire la pression fiscale".
Premier membre du gouvernement à s’exprimer, le ministre de l’Agriculture, Maurizio Martina, également sous-secrétaire du PD, a jugé pour sa part que "les questions (du solde) fiscal, tout comme la sécurité", n’étaient pas négociables.
Mais M. Zaia a renvoyé le ministre dans ses platebandes, en soulignant que leur "seul interlocuteur" était le chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, attendu mardi en Vénétie.
‘Des Pouilles au Piémont’
Le scrutin a pris une teinte particulière après le vote d’autodétermination de la Catalogne, même si ses organisateurs ont répété qu’il s’inscrivait dans le cadre de l’unité italienne. Les indépendantistes restent d’ailleurs très minoritaires dans ces régions.
La Vénétie et la Lombardie "ont donné une leçon de démocratie à toute l’Europe, nous avons choisi la voie légale, pacifique, constitutionnelle", s’est réjoui Matteo Salvini, chef de la Ligue du Nord, parti né indépendantiste avant d’effectuer un virage anti-euro et anti-immigration avec le Front national français pour modèle.
"Nous voulons tous moins de gaspillage, moins d’impôts, moins de bureaucratie, moins de contraintes de l’Etat et de l’Union européenne, plus d’efficacité, plus d’emplois et plus de sécurité", a-t-il souligné.
Parallèlement à la crise catalane, au Brexit ou au référendum d’indépendance ayant échoué de peu en Ecosse, le scrutin italien témoigne d’"une désespérance" envers les Etats centraux et l’Union européenne, selon Lorenzo Codogno, expert chez LC Macro Advisors.
Leur incapacité "à fournir des réponses appropriées est un terrain fertile pour les protestations, les mouvements +anti-establishment+, le nationalisme et le régionalisme".
Et bien que l’autonomie de la Vénétie et Lombardie "ne menace pas l’unité (de la péninsule), cela risque d’ouvrir la boîte de Pandore et mettre en action de larges forces centrifuges en Italie", juge-t-il.
Pour le commentateur politique italien Stefano Folli, le résultat, qui "a capturé la division croissante entre le Nord et le Sud", pourrait également aggraver cette défiance.
Mais déjà en pré-campagne pour les législatives prévues début 2018, M. Salvini s’est empressé de préciser que son parti allait oeuvrer pour que toutes les régions qui le demanderont, "des Pouilles au Piémont", bénéficient des mêmes opportunités. (afp)