Aussi appelé "pergélisol", il représente près de 19 millions de km2, soit environ un cinquième des terres émergées de l’Hémisphère nord.
Ce permafrost constitue une gigantesque réserve de carbone organique, les restes des plantes et des animaux qui se sont accumulées dans le sol au fil des millénaires. Ce stock de carbone est neutralisé par le gel dans le sous-sol, mais avec la fonte du permafrost, les organismes microbiens commencent à le décomposer et à en libérer une partie dans l’atmosphère.
Au total, les terres arctiques renfermeraient quelque 1.700 milliards de tonnes de carbone.
C’est "environ quatre fois plus que tout le carbone émis par les activités humaines au cours des temps modernes et le double de ce que contient l’atmosphère actuellement", soulignent deux biologistes américains, Edward Schuur et Benjamin Abbott, dans un commentaire publié mercredi par la revue britannique Nature.
Selon ces scientifiques et une quarantaine d’experts internationaux du réseau Permafrost Carbon Network signataires de l’étude, ce chiffre représente "plus du triple" des estimations précédentes utilisées dans les modèles de changement climatique.
La raison de cet écart est toute simple: on mesure habituellement le carbone au sein du premier mètre de sol en surface. Mais au fil des millénaires, l’alternance de gel et de dégel et la migration des sédiments ont produit un effet de "brassage" qui a enfoui le carbone du permafrost beaucoup plus profondément, expliquent ces experts.
Des scénarios à l’étude
Selon leurs calculs, la fonte du permafrost va relâcher dans l’atmosphère un volume de carbone équivalent à celui produit par la déforestation, si cette dernière se poursuit au rythme actuel. Mais ces émissions auront un impact sur le réchauffement climatique 2,5 fois plus élevé, car la fonte du permafrost produit non seulement du dioxyde de carbone (CO2) mais aussi du méthane (CH4), un gaz à effet de serre particulièrement redoutable.
L’impact potentiel du méthane sur le réchauffement est environ 25 supérieur à celui du CO2 à un horizon d’une centaine d’années, insistent les membres du réseau Permafrost Carbon Network.
En fonction de différents scénarios retenus par le GIEC (Groupe d’experts sur l’évolution du climat), ils ont donc tenté d’évaluer la fonte du permafrost et les émissions de carbone qui en découleraient, obtenant selon eux des "résultats frappants".
Si la température moyenne des zones arctiques augmentait de 2,5 C d’ici 2040 (par rapport à la moyenne de la période 1985-2004), le permafrost relâcherait 30 à 63 milliards de tonnes de carbone (CO2 et méthane confondus). Avec une augmentation de 7,5 C d’ici 2100, on passerait à une quantité de 232 à 380 milliards de tonnes.
Une estimation "1,7 à 5,2 fois plus grande" que celles retenues par des études récentes sur la base de scénarios similaires, relèvent les auteurs.
Quel que soit le scénario de réchauffement retenu, l’essentiel du carbone émis dans l’atmosphère serait du CO2, le méthane ne représentant qu’environ 2,7% du total. "Néanmoins, le CH4 ayant un potentiel de réchauffement global plus élevé, il serait responsable de plus de la moitié du changement climatique induit par les émissions de carbone du permafrost", soulignent-ils.