Espagne: Mariano Rajoy lutte pour sa survie devant le Parlement

Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, affaibli par la condamnation de son parti dans un procès pour corruption, luttait jeudi pour sa survie au Parlement où les députés débattaient d’une motion de censure socialiste.

Dans un contexte déjà tendu sur les marchés financiers à cause de l’instabilité politique en Italie, les débats, houleux, doivent se poursuivre jusqu’à un vote prévu vendredi en début d’après-midi.

Mais alors que les analystes politiques donnaient en début de semaine très peu de chances à cette motion, le vent semble avoir tourné. Le quotidien El Mundo parlait jeudi de "la première motion de censure de la démocratie ayant une probabilité d’aboutir".

"Votre isolement, Monsieur Rajoy, constitue l’épitaphe d’une période politique, la vôtre, qui est déjà finie", a lancé le patron du Parti socialiste (PSOE) Pedro Sanchez, qui remplacerait à la tête du gouvernement le conservateur, au pouvoir depuis 2011, si la motion était adoptée.

Avec les 84 députés socialistes, M. Sanchez pourrait compter jusqu’à 175 voix, entre l’appui garanti de la gauche radicale de Podemos et celui probable des indépendantistes catalans et de plusieurs autres partis régionalistes. Soit une voix de moins que le seuil de majorité absolue (176 voix).

Les nationalistes basques décisifs

Le sort de Rajoy devrait donc être suspendu à la décision des cinq députés du Parti nationaliste basque (PNV) qui pourrait se ranger aux côtés du PSOE avec qui il gouverne le Pays basque.

Afin de les convaincre, M. Sanchez, qui compte gouverner temporairement et faire passer des mesures sociales avant de convoquer des élections, a assuré qu’il ne toucherait pas au budget qui prévoit des largesses financières pour le Pays basque.

A l’adresse des séparatistes catalans, il a annoncé qu’il essaierait de "jeter des ponts" avec le gouvernement régional à Barcelone. "Au sein de la nation espagnole, il y a des territoires qui eux aussi se sentent nations", a-t-il déclaré. "Nous pouvons coexister dans le cadre de la constitution".

Débats agressifs

Les débats ont été d’entrée très agressifs. M. Rajoy a accusé les socialistes de mentir en exagérerant la portée de la sentence du procès pour corruption "Gürtel" qui a précipité de dépôt de la motion de censure vendredi dernier.

Mais selon les juges, le Parti populaire (PP) a bien bénéficié de fonds obtenus par des maires PP dans le cadre d’un "système de corruption institutionnel" via la "manipulation de marchés publics", et ils l’ont condamné à rembourser 250.000 euros.

La justice a conclu en outre à l’existence d’une "caisse noire" au sein du PP et mis en doute la crédibilité du témoignage de M. Rajoy qui avait nié l’existence de cette comptabilité parallèle devant le tribunal.

La question, a répliqué M. Sanchez, est de savoir si "cette démocratie peut se permettre le luxe d’être enchaînée encore deux ans de plus à la corruption du PP", jusqu’aux prochaines élections prévues en 2020.

Tous les alliés potentiels de M. Sanchez ont en commun leur refus d’élections immédiates, réclamées par le parti libéral Ciudadanos (32 députés), en tête dans les sondages. Fervent opposant aux privilèges du Pays basque et à l’indépendance de la Catalogne, il a lâché M. Rajoy dont il était l’allié, mais a refusé jusqu’ici d’appuyer le PSOE.

M. Rajoy a exclu jusqu’ici une démission qui permettrait à son parti de se maintenir au pouvoir le temps d’organiser les prochaines élections anticipées et donc in fine d’empêcher l’arrivée de M. Sanchez au pouvoir.

Dans tous les cas, si jamais la motion échoue, il en ressortirait très affaibli, soulignent les analystes.

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