Achraf, 21 ans, et son neveu de 14 ans, Ali, sont jugés aux côtés de 14 personnes pour leur rôle présumé dans une bousculade qui a fait 19 morts à l’extérieur d’un stade du Caire le 8 février, avant un match opposant les équipes de Zamalek et d’Enppi. La prochaine audience du procès, qui s’est ouvert le 18 avril, a été fixée samedi au 25 juillet.
Des témoins et des organisations internationales des droits de l’Homme avaient immédiatement accusé la police d’avoir provoqué ces "morts choquantes" -selon les mots d’Amnesty International- en tirant des gaz lacrymogènes à outrance sur des spectateurs pris au piège entre des barrières et l’une des entrées du stade.
Des photos et des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont montré des dizaines d’hommes empêchés de bouger par des grillages et des policiers.
"Achraf est innocent. Il m’a dit qu’on l’avait battu et électrocuté à ses parties intimes", raconte Mahmoud.
La mère d’Ali, Nagat, explique ne pas avoir pu embrasser son fils lorsqu’elle l’a vu en prison, parce que "son corps était couvert d’hématomes et de marques d’électrocution".
Le parquet accuse les deux garçons d’appartenir au groupe de supporteurs du club de Zamalek, Ultras White Knights, et d’avoir été payés par la confrérie islamiste des Frères musulmans pour provoquer les violences.
La famille assure cependant que les deux jeunes sont de simples supporteurs de Zamalek, sans lien ni avec les Ultras ni avec la confrérie de l’ex-président islamiste Mohamed Morsi, destitué par l’armée en 2013.
"Ceux qui devraient être punis sont les organisateurs du match, la police qui a tiré des gaz lacrymogènes", s’indigne Mohamed, un leader des Ultras White Knights. "C’est un règlement de comptes politique".
Les jeunes "ultras", qui affichent ouvertement leur hostilité vis-à-vis de la police, avaient activement participé à la révolte populaire de 2011 contre le président Hosni Moubarak, un soulèvement mené en protestation contre les abus des forces de sécurité.
En mai, le président du club de Zamalek, Mortada Mansour, qui compare les Ultras à "un phénomène criminel qui doit être éradiqué", a obtenu une décision de justice interdisant ces mouvements.
"Bouc émissaire"
Le match du 8 février était l’un des premiers du championnat de première division ouverts au public depuis 2012 et le huis clos total imposé par le gouvernement à la suite de violences meurtrières liées au football à Port-Saïd (nord) qui avaient fait 74 morts.
Treize des accusés des violences au Caire sont actuellement derrière les barreaux. "Tous ont été torturés pour leur soutirer des aveux", selon l’avocat de plusieurs accusés, Mokhtar Mounir.
Le bureau du procureur général s’est refusé à tout commentaire, tandis que la police a nié ces accusations.
"Nous ne les avons pas frappés ou torturés. La plupart était des jeunes sans expérience, ils ont avoué dès que nous les avons interrogés", a déclaré à l’AFP un haut responsable de la police.
Un autre accusé, Yasser Osman, a expliqué au juge au cours d’une audience que ses "aveux" avaient été soutirés sous la torture. "On m’a pendu par les mains, électrocuté à plusieurs reprises, et ils ont même menacé de violer ma femme", a-t-il affirmé.
En mai, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) a dénoncé "une hausse notable" des violences sexuelles commises par les forces de sécurité égyptiennes depuis l’éviction de M. Morsi.
Human Rights Watch (HRW) a de son côté souligné "l’impunité quasi-totale" accordée aux forces de sécurité sous le président Abdel Fattah al-Sissi, l’ex-chef de l’armée tombeur de M. Morsi.
Plus de 1.400 manifestants islamistes ont été tués dans les mois qui ont suivi la destitution de M. Morsi, et plus de 40.000 personnes arrêtées, selon HRW. Des centaines ont été condamnées à mort dans des procès de masse expéditifs.
Pour Mahmoud, Achraf n’est "qu’un bouc émissaire. Il a donné de faux aveux pour éviter d’être à nouveau torturé".
"Ils ont pris mon fils et les autres garçons en pensant que parce qu’on est de simple paysans, personne ne nous écoutera", assène la mère d’Ali.