Deux morts au Venezuela alors que l’opposition défile massivement

Un adolescent de 17 ans et une jeune femme de 23 ans ont été tués par balle mercredi au Venezuela alors que se déroulaient de vastes manifestations d’opposants au président Nicolas Maduro, marquées par des violences.

Au total, sept manifestants ont été tués et plus de 200 personnes arrêtées en trois semaines dans ce pays sud-américain en profonde crise politique et économique, où l’opposition, majoritaire au Parlement depuis fin 2015, tente de forcer le départ anticipé du président socialiste.

L’adolescent est décédé de ses blessures après avoir été touché à la tête par des tirs d’un groupe d’inconnus à moto qui visaient un rassemblement d’opposants à San Bernardino, dans le nord-ouest de Caracas, a déclaré à l’AFP Amadeo Leiva, directeur de la clinique où il avait été transporté.

La jeune femme a elle aussi "reçu un tir dans la tête" à San Cristobal (ouest), a indiqué à l’AFP une source du parquet, sous le couvert de l’anonymat. L’ONG Provea a précisé que sa mort était survenue "dans le cadre des manifestations".

D’après des témoins, les assaillants font partie dans les deux cas des "colectivos", ces groupes de civils armés par le gouvernement selon l’opposition.

Dans un climat extrêmement tendu, les accès de la capitale étaient bloqués par un important déploiement policier et militaire, qui repoussait avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc les manifestants, lesquels répliquaient avec des pierres et des cocktails Molotov.

"Il faut sortir de cette dictature. Nous sommes fatigués, nous voulons des élections pour que Maduro s’en aille du pouvoir, car il a détruit le pays", confiait à l’AFP une manifestante, Ingrid Chacon, une secrétaire de 54 ans brandissant le drapeau jaune, bleu et rouge du Venezuela.

L’opposition, dont c’est le sixième rassemblement depuis début avril, a promis qu’il s’agirait de "la mère de toutes les manifestations", pour exiger des élections anticipées.

Dans la capitale et parfois à quelques mètres seulement de leurs adversaires, les chavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) manifestaient en faveur du chef de l’Etat, certains brûlant des drapeaux américains en signe de colère.

"Nous sommes fermement au côté de Maduro par loyauté à l’égard de notre commandant éternel" Hugo Chavez, a assuré à l’AFP Nancy Guzman, une enseignante de 50 ans.

De nombreux commerces et stations de métro de Caracas étaient fermés.

Mardi soir, Nicolas Maduro a par ailleurs activé un plan de défense, renforçant la présence policière et militaire, pour "déjouer le coup d’Etat" fomenté selon lui par les Etats-Unis.

Mercredi, il a annoncé l’arrestation de 30 personnes accusées de vouloir provoquer de la violence lors des manifestations, ajoutant être, grâce à son plan de défense, "en train de démanteler le coup d’Etat terroriste".

Washington a rejeté ces accusations "infondées et déraisonnables", via son représentant intérimaire à l’Organisation des Etats américains (OEA), Kevin Sullivan.

"Nous sommes préoccupés par le fait que le gouvernement de Maduro viole sa propre Constitution et n’autorise pas l’opposition à faire entendre sa voix ni à s’organiser de façon à exprimer l’opinion du peuple vénézuélien", a renchéri le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson, reflétant la montée de la pression internationale sur le Venezuela ces derniers jours.

Lundi, 11 pays latino-américains ont ainsi demandé à Caracas de "garantir" le droit de protester pacifiquement.

"Le Venezuela livrera bataille contre ce groupe minoritaire de gouvernements qui pensent promouvoir une intervention honteuse" sur son territoire, a assuré la ministre des Affaires étrangères, Delcy Rodriguez.

Seule voix discordante au sein du camp présidentiel, la procureure générale de la Nation, Luisa Ortega, a rappelé que "les responsables des organismes de sécurité de l’Etat doivent garantir l’exercice du droit à manifester de manière pacifique, en respectant strictement les droits de l’homme".

Cette vague de manifestations a démarré le 1er avril quand la Cour suprême, considérée comme proche de M. Maduro, s’est arrogé les prérogatives du Parlement, déclenchant un tollé diplomatique qui l’a poussée à faire machine arrière 48 heures plus tard.

L’opposition a dénoncé une tentative de coup d’Etat, mais cet épisode lui a aussi donné un nouveau souffle, l’amenant à dépasser ses querelles intestines et relançant la mobilisation populaire à ses côtés.

"L’opposition est plus unie que jamais", explique l’analyste Luis Vicente Leon, jugeant "probable" que la manifestation de mercredi soit "la plus grande contre le chavisme".

"Cette manifestation mettra en évidence la force de mobilisation de l’opposition et les coûts que cela peut potentiellement générer pour le gouvernement s’il continue d’éviter des élections à court terme", estime aussi le politologue John Magdaleno.

Toute échéance électorale est risquée pour Nicolas Maduro, dont sept Vénézuéliens sur dix souhaitent le départ. Il a pourtant assuré mercredi souhaiter des élections "bientôt" pour "gagner définitivement" la bataille.

afp

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