Coronavirus: Pâques sans fidèles, toujours plus de morts aux Etats-Unis
Dans l’interminable attente d’un hyptothétique recul du coronavirus, le monde a entamé samedi un week-end pascal inédit, sans processions ni messes traditionnelles, après avoir dépassé le sinistre bilan des 100.000 morts, et les 2.100 décès quotidiens aux Etats-Unis, nouvelle ligne de front de la pandémie.
Les Etats-Unis recensent désormais plus de 500.000 cas, selon le dernier bilan de l’Université Johns Hopkins. Et avec 18.586 décès liés au Covid-19, ils devraient dépasser dans la journée l’Italie en nombre de décès (18.849), jusqu’à présent le pays le plus touché sur la planète.
Choisir le moment opportun pour rouvrir l’économie des Etats-Unis sera « de loin la plus grande décision de ma vie », a reconnu le président américain Donald Trump, alors que la Maison Blanche prévoit possiblement jusqu’à 100.000 à 240.000 décès sur le territoire américain.
Fosse commune
Comme tous les pays, les Etats-Unis doivent prendre garde à ne pas lever les mesures de confinement trop tôt au risque de voir une nouvelle flambée de l’épidémie, ni trop tard ce qui pourrait alourdir une facture économique déjà très douloureuse.
A New York, ville américaine la plus touchée, un hommage a été rendu au personnel hospitalier mort du virus. Une quinzaine de noms ont été égrenés dans le froid par autant de leurs collègues, qui ont déposé leurs photos sur le trottoir, devant l’un des hôpitaux.
Symbole choc de l’épidémie, des images filmées par drone par un média local ont montré des dizaines de cercueils sommaires en train d’être enterrés dans une fosse commune d’Hart Island. Cette île au nord-est du Bronx, surnommée depuis longtemps « l’île des morts » car utilisée depuis le XIXè siècle comme vaste cimetière pour les indigents, accueillent aujourd’hui 24 enterrements par jour, contre 25 en moyenne par semaine avant la pandémie, selon l’administration locale.
En ce début de week-end de Pâques, des centaines de millions de chrétiens, reclus chez eux comme la moitié de l’humanité, ont entamé des célébrations inédites, sans fidèles, en particulier sur l’immense place Saint-Pierre de Rome, d’ordinaire noire de monde.
Pour la fête la plus importante de la tradition chrétienne, c’est sur écran que les fidèles suivront les messes pascales d’un pape François confiné.
« L’ombre de la mort »
« Seigneur, ne nous laisse pas dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, protège-nous du bouclier de ton pouvoir », a murmuré le pape, lors du traditionnel rite du « Chemin de Croix » retransmis en mondovision depuis une place Saint-Pierre vide vendredi soir.
A Jérusalem, pour la première fois en plus d’un siècle, le Saint-Sépulcre sera fermé au public durant tout le week-end. Une simple messe à huis clos y a été célébrée pour le vendredi saint.
« Cette année, il n’y aura pas de Pâques, seulement de la dépression et du désespoir », le Covid-19 « nous a retiré le peu de pain que nous avions », se désespère Haroon Ashraf, chrétien du Pakistan, dont la communauté déjà miséreuse est la cible de nombreuses discriminations dans ce pays musulman.
Outre les Etats-Unis, les bilans de la pandémie se sont aggravés en France (plus de 13.000 morts) et au Royaume-Uni, où un millier de personnes ont succombé en une journée.
Le nombre des décès causés par la pandémie du covid-19 a également triplé en huit jours en Belgique avec 3.019 morts enregistrés. Le Brésil a dépassé les 1.000 morts vendredi.
La timide tendance à la baisse de la tension hospitalière dans plusieurs pays montre toutefois que le confinement commence à porter se fruits. Et l’Espagne (près de 16.000 morts au total) a annoncé vendredi son plus bas nombre de morts quotidiens depuis le 24 mars, avec 605 décès.
Le virus continue cependant de s’y « acharner » par endroits, comme sur la ville martyr de Tomelloso, grosse bourgade viticole au sud de Madrid, où le bilan pour la seule petite maison de retraite locale pourrait atteindre « la cinquantaine de morts », selon une source municipale.
Quatre mètres !
Le gouvernement britannique a exhorté au respect du confinement malgré un week-end ensoleillé. Le confinement a été prolongé en Irlande comme en Italie jusqu’à début mai. Et la Turquie, qui déplore aussi un millier de morts, a confiné 31 villes pendant tout le week-end, dont Istanbul et Ankara.
Alors que certains pays européens se préparent à la sortie du confinement, dans le sillage de la Chine, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné qu’une levée trop rapide des restrictions « pourrait entraîner une résurgence mortelle » de la pandémie.
Ceci d’autant plus que le virus pourrait voyager en « aérosol » jusqu’à quatre mètres d’un malade, selon une étude publiée vendredi par les Centres américains de prévention et de contrôle des maladies (CDC), qui ne précise pas toutefois si la quantité éjectée est suffisante pour infecter un tiers.
Alors que le monde s’apprête à vivre la pire crise depuis « la Grande Dépression » selon le FMI, les ministres de l’énergie de pays du G20 ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur une baisse de la production pétrolière, pour contrer la chute des cours entraînée par la pandémie.
Des masques au lieu des chips
En Europe, en revanche, les 27 sont parvenus jeudi à un accord prévoyant 540 milliards d’euros immédiatement disponibles et un fonds de relance à venir d’un montant équivalent. Un sommet européen se réunira le 23 avril pour « jeter les bases d’une reprise économique musclée ».
Face aux ravages et à la menace du virus, c’est souvent la gestion en urgence au jour le jour ou l’improvisation un peu partout dans le monde.
Au chômage technique, des employés de compagnies aériennes et d’hôtels en Suède ont été mis à contribution pour aider les hôpitaux et les maisons de retraite.
A Abidjan, c’est la course aux masques. « D’habitude on vend des chips mais en ce moment, on vend des masques », constate une vendeuse de rue.
Quelques inconscients bravent encore le confinement, comme ce coiffeur de Pristina, au Kosovo. « On peut fermer les salons de coiffure mais on ne peut pas ordonner aux cheveux de ne plus pousser », justifie-t-il.
En Chine, où le virus a été apparemment jugulé, des Africains vivant dans la grande métropole de Canton (sud) subissent vexations et discriminations, après plusieurs cas positifs dans la communauté nigériane. « J’ai dû dormir sous un pont pendant quatre jours sans rien à manger. Je ne peux même pas acheter de nourriture, aucun magasin ou restaurant ne m’accepte », raconte un étudiant ougandais. « On est dans la rue comme des mendiants », peste le jeune homme, forcé de quitter son appartement.