Corée du Nord : Kim Jong Un, un « grand successeur » nimbé de mystère

Corée du Nord : Kim Jong Un, un
Avec la mort soudaine de son père Kim Jong Il, Kim Jong Un est passé de "général respecté" à "grand successeur", une promotion enivrante et incertaine pour un jeune homme dont même les Nord-Coréens n’avaient jamais entendu parler il y a un an.

Ce presque trentenaire -sa date de naissance est douteuse mais il aurait environ 28 ans- se retrouve propulsé à la tête d’un pays qui doit composer autant avec de difficiles négociations nucléaires qu’avec une pénurie chronique de nourriture.

Lundi, quelques heures seulement après avoir annoncé la mort de Kim Jong Il, survenue samedi à l’âge de 69 ans, les médias officiels nord-coréens appelaient déjà le peuple à se rassembler autour de Kim Jong Un et à "vénérer fidèlement" leur prochain dirigeant. L’intéressé n’a pas été vu en public depuis la disparition de son père.

Ce décès accélère subitement une succession lancée il y a à peine plus d’un an: une période bien courte pour acquérir de l’expérience, construire une base politique et convaincre les sceptiques, tant à l’intérieur qu’à l’étranger, de sa capacité à diriger ce pays de 24 millions d’habitants. Kim Jong Il, lui, s’était préparé pendant 20 ans à succéder à son père, Kim Il Sung, le fondateur de la Corée du Nord, passé de vie à trépas en 1994.

Ce n’est qu’en septembre 2010 que Kim Jong Un, le plus jeune des trois fils de Kim Jong Il, a été présenté au monde, quelques semaines après avoir été nommé à la vice-présidence de la Commission militaire centrale du Parti des travailleurs au pouvoir. Il était apparu aux cô tés de son père à l’occasion d’une des plus importantes parades militaires jamais organisées en Corée du Nord, ce qui semblait répondre aux interrogations sur la succession du "Cher dirigeant", victime d’une crise d’apoplexie en 2008.

Le jeune homme était depuis régulièrement montré et mentionné dans les médias nord-coréens, fréquemment lors de déplacements en compagnie de son père. Trapu et d’apparence juvénile, il ressemble fort à son grand-père au même âge, ce qui devrait rehausser sa légitimité en tant que nouveau leader du pays.

Si le père a placé son règne sous le signe de la toute-puissance militaire, le fils est déjà crédité dans son pays de la responsabilité de tirs d’artillerie sur une île sud-coréenne qui ont failli déclencher une nouvelle guerre entre les deux Corée.

"Il est impossible de deviner à quoi ressemblera son époque. C’est déjà suffisamment compliqué d’essayer de prédire l’avenir immédiat", estime Andray Abrahamian, directeur exécutif de Choson Exchange, une organisation de Singapour qui organise des échanges étudiants avec la Corée du Nord. "A court terme, nous nous attendons à plus de prudence et moins d’initiative (…) On dirait que les choses commencent déjà à se paralyser", ajoute-t-il.

Les Nord-Coréens ont entendu que Kim Jong Un est diplô mé de l’université militaire Kim Il Sung, qu’il parle plusieurs langues, dont l’anglais et un peu de français et d’allemand, et que c’est un expert de l’informatique et de la technologie. On dit qu’il fête son anniversaire en janvier mais ni la date exacte ni l’identité de sa mère n’ont été révélées.

"La rumeur dit qu’il est marié mais officiellement nous n’en savons rien", affirme Yoon Deok-ryong, de l’Institut coréen de politique économique internationale de Séoul.

Qualifié de "grand successeur" par l’agence de presse officielle KCNA lundi, Kim Jong Un devrait faire appel à la garde rapprochée de son père, notamment sa tante Kim Kyong Hui et le mari de cette dernière, Jang Song Thaek, d’après les experts.

"Même si Kim Jong Un a été désigné comme successeur, ils pourraient dans un premier temps former un comité pour diriger le pays (car) il n’a pas encore achevé son accession au pouvoir", explique M. Yoon.

L’âge et le manque d’expérience de Kim Jong Un font craindre pour la stabilité du pays mais sa jeunesse pourrait aussi lui apporter le soutien des dirigeants de la nouvelle génération, amateurs de téléphones mobiles et ordinateurs, fait valoir l’analyste japonais Narushige Michishita.

"Ces gens-là vont diriger le pays au cours des prochaines décennies. On peut donc attendre une certaine nouveauté mais on ignore si cela se traduira par des changements politiques", souligne-t-il.

Les experts préviennent que les études en Occident de Kim Jong Un n’en font pas forcément un réformateur. D’une manière générale, admet Yoon Deok-ryong, "il y a beaucoup d’incertitude parce qu’on ne sait pas vraiment qui dirige le pays".

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