Contestation en Algérie : grève « illimitée » des magistrats

Les juges et procureurs algériens ont entamé dimanche une grève "illimitée" pour réclamer l’indépendance de la justice et l’annulation du changement d’affectation de 3.000 d’entre eux, a annoncé le Syndicat national des magistrat (SNM).

Le "taux de suivi de la grève est de 96%", a précisé le SNM dans un communiqué, un mouvement d’une ampleur inédite au sein de la magistrature en Algérie, pays théâtre depuis plus de neuf mois d’un mouvement de contestation contre le "système" politique en place depuis des décennies.

Les magistrats entendent dénoncer la "mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire", selon le SNM.

Le pouvoir politique a "empiété sur les prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature (…) en décidant un mouvement de cette envergure (…) en un temps record", a estimé le SNM, en référence au changement d’affectation décidé pour 3.000 juges et procureurs, soit la moitié des effectifs selon Saad Eddine Merzoug, porte-parole du Club des magistrats.

Cette organisation regroupe le premier noyau de magistrats ayant rejoint le mouvement de contestation qui secoue le pays depuis le 22 février.

Le ministère de la Justice s’est défendu en affirmant dans un communiqué que les changements contestés ont été "validés à l’unanimité par les membres du Conseil de la magistrature".

Ce conseil, qui n’a pas réagi dans l’immédiat, décide des nominations, des mutations et du déroulement de la carrière des magistrats. Il est présidé par le chef de l’Etat et comprend notamment le ministre de la Justice, le président de la Cour suprême et dix magistrats élus par leurs pairs.

Touts les activités judiciaires étaient à l’arrêt au premier jour de cette grève : dans la quasi-totalité des juridictions du pays aucune audience ne s’est tenue. Les tribunaux, les cours, la Cour suprême et le Conseil d’état sont "paralysés", selon M. Merzoug.

Jeudi, des centaines d’avocats avaient manifesté à Alger pour l’indépendance de la justice.

– Impact sur la présidentielle –

Si cette grève perdure, elle risque d’entraver le processus électoral en cours dans le pays où une élection présidentielle est prévue le 12 décembre pour élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika, poussé à la démission début avril sous la pression conjuguée de l’armée et de la rue.

Cette "grève pourrait avoir un impact négatif sur le prochain scrutin en raison de l’importance du rôle des juges dans la supervision du vote", a indiqué à l’AFP M. Merzoug.

Les juges sont notamment chargés de superviser le fichier électoral et de recenser les résultats du scrutin dans chaque municipalité.

"Le Club des magistrats et le SNM ont fait cause commune pour poursuivre cette grève jusqu’à la satisfaction de nos revendications", a ajouté M. Merzoug.

Le Club des magistrats avait organisé mi-avril un rassemblement devant le ministère de la Justice à Alger pour annoncer sa décision de boycotter la supervision de l’élection présidentielle du 4 juillet, annulée faute de candidats.

A l’issue de l’expiration du délai de dépôt des candidatures samedi à minuit pour la présidentielle du 12 décembre, deux anciens Premiers ministres de M. Bouteflika, Ali Benflis et Abdelmadjid Tebboune, figuraient parmi les 22 candidats enregistrés.

Sont également candidats Azzedine Mihoubi, du Rassemblement national démocratique (RND) –pilier de la coalition ayant soutenu M. Bouteflika durant sa présidence– et Abdelkader Bengrina, représentant d’El-Bina, petit parti membre d’une coalition islamiste, dont l’un des députés a été élu en septembre à la présidence de l’Assemblée nationale.

La contestation refuse que la présidentielle soit organisée par le pouvoir, aux mains d’ex-figures politiques en place au cours des 20 ans de présidence de M. Bouteflika.

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