Alors que l’insécurité alimentaire du continent est aggravée par le changement climatique, trois pays, la Somalie, le Tchad et la Tunisie ont rejoint mardi la coalition de 35 pays africains (sur 54), baptisée AAA (Adaptation de l’agriculture africaine) lancée par le Maroc en 2016 pour porter les intérêts de l’Afrique et de son agriculture dans les négociations climat.
"Nous voulons surtout faire un pont entre la communauté climat et la communauté agriculture", a expliqué à l’AFP Abir Lemseffert, directrice de la fondation AAA. Lundi et mardi, elle a piloté des rencontres de ministres africains, de scientifiques et de bailleurs de fonds internationaux à l’université Mohammed VI de Benguérir au Maroc.
Alors que la COP 25, initialement prévue au Chili, doit se tenir du 2 au 13 décembre à Madrid, la réunion AAA devrait avoir lieu "chaque année avant les COP" a précisé Mme Lemseffert.
La Banque mondiale y a rendu public son engagement à hauteur de 2 milliards de dollars pour financer des projets "climato-intelligents" dans 11 pays d’Afrique, en saluant le travail déjà effectué sur le sujet, notamment par l’Agence française de développement (AFD).
La Banque africaine de développement (BAD) qui vient de procéder à une augmentation de capital géante de 115 milliards de dollars, la plus importante de son histoire, compte s’en servir pour "soutenir une transformation durable de l’agriculture africaine", a indiqué sa représentante.
Pour aider à la transition, le "Fonds vert pour le climat" lancé en décembre 2010, a prévu deux millions de dollars par pays, souligne Mme Lemseffert.
"Mais à ce jour, seuls six pays africains ont pu décaisser cet argent, car ils n’ont pas les capacités de monter les dossiers, alors qu’ils sont parmi les premières victimes du réchauffement" relève-t-elle: "La fondation AAA travaille pour permettre à l’Afrique d’y accéder".
Il y a urgence: alors que plus de 200 millions de personnes sont mal nourries en Afrique, les rendements des récoltes agricoles pourraient baisser de 20% d’ici à 2050, avec un réchauffement de 2 degrés. Le tout alors que la population continue d’augmenter.
Pour traiter du sujet capital de la dégradation des sols, le Maroc s’appuie notamment sur l’expertise du groupe OCP, principal producteur de phosphates du continent, utilisés dans les engrais agricoles.
Au Sahel, secoué par des conflits intercommunautaires, le financement de l’agriculture peut jouer un rôle d’arme de paix, ont estimé les participants.
A condition de trouver des moyens souples pour financer des projets d’irrigation, l’achat de semences ou d’intrants de qualité, ou encore l’accès au crédit des petits exploitants.
"Avec la sécheresse de plus en plus sévère, le bétail de la région nord-est du pays envahit mon pays, les petits agriculteurs sont exclus de leur parcelle et ne peuvent plus cultiver, il serait très important que AAA puisse aussi inclure les aspects d’une transhumance pacifique et intelligente dans ses réflexions" a plaidé le ministre de l’agriculture de Centrafrique.
Derrière la demande de gestion des conflits pastoraux entre éleveurs et agriculteurs autour de ressources naturelles raréfiées, se trouve l’espoir de ralentir les migrations qui alimentent les grands flux vers le nord de l’Europe.
Pour Patrick Caron, chercheur au Cirad, et ancien membre du comité de la sécurité alimentaire mondiale de l’Onu, "il n’y a pas de solution locale duplicable à l’infini pour résoudre tous les problèmes en même temps" en Afrique.
"L’Afrique a à la fois besoin d’innovations locales pour permettre par exemple une meilleure assimilation de l’eau de pluie par les sols dégradés, de transformations structurelles (statut foncier, politique agricole..) et de projets territoriaux imbriqués" a-t-il dit à l’AFP.
Plusieurs accords ont été signés, notamment avec l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), et avec l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), fondation lancée par l’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan et soutenue par la fondation Bill et Melinda Gates.