Chine: le parlement se prononce sur la présidence à vie pour Xi Jinping

Xi Jinping saura dimanche si le parlement chinois accepte qu’il dirige le pays sans limite de temps, lors d’un vote dont l’issue ne fait guère de doute, tant l’homme fort de Pékin a scellé son emprise sur le régime communiste.

L’ambition du président chinois de se maintenir à la tête de l’Etat au-delà du terme prévu de 2023 est peut-être l’événement le plus inattendu en près de trois décennies au sein d’un régime politique qui évite habituellement les surprises.

Annoncé il y a tout juste deux semaines, ce projet de loi a stupéfié une partie de l’opinion publique, mais les critiques qui ont circulé un temps sur les réseaux sociaux ont été promptement effacées par les censeurs.

A huis clos, les près de 3.000 députés de l’Assemblée nationale populaire (ANP) doivent se prononcer à partir de 15H00 locales (07H00 GMT) sur un amendement constitutionnel qui abolit la limite de deux mandats présidentiels de cinq ans.

Le vote, par des députés triés sur le volet, devrait facilement obtenir la majorité requise des deux tiers.

"Jamais l’ANP n’a voté contre quoi que ce soit", souligne le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste de Hong Kong, rappelant à titre de comparaison que Xi Jinping, 64 ans, avait été élu président en 2013 à l’unanimité moins une voix et trois abstentions.

La limite de deux mandats avait été imposée dans la constitution de 1982 par l’homme fort de l’époque, Deng Xiaoping, afin d’éviter un retour au régime dictatorial de l’ère Mao Tsé-toung (1949-76).

"Certains députés, qui sont attachés aux réformes de Deng Xiaoping, pensent que cet amendement constitutionnel est un retour en arrière", observe le politologue Hua Po, basé à Pékin. "Il se pourrait qu’ils votent contre ou s’abstiennent".

L’amendement doit aussi faire entrer "la Pensée Xi Jinping" dans la constitution, ainsi que "le rôle dirigeant" du Parti communiste chinois (PCC) dans son article premier.

Cette disposition peut laisser entrevoir une recrudescence de la répression à l’encontre des opposants au régime, qui pourraient se voir accusés d’atteinte à la constitution pour avoir simplement contesté la main-mise du PCC sur le pouvoir.

Depuis son arrivée à la tête du PCC fin 2012, puis de l’Etat début 2013, Xi Jinping a encore accru l’autorité du régime. Une loi réprime sévèrement la dissidence sur internet, des défenseurs des droits de l’homme ont été condamnés à de lourdes peines et le militant démocrate Liu Xiaobo, prix Nobel de la Paix 2010, est mort en détention malgré les appels à la clémence venus de l’étranger.

Dans ce contexte, "personne n’osera voter non au changement constitutionnel", pronostique le pékinologue Willy Lam, de l’Université chinoise de Hong Kong, soupçonnant que le pouvoir a les moyens de savoir qui vote comment. Selon lui, aucun député n’osera non plus voter contre Xi Jinping lors de son élection à un deuxième mandat, qui aura lieu dans quelques jours.

Certains députés pourraient cependant laisser échapper leur mauvaise humeur d’ici à la fin de la session plénière annuelle de l’ANP, le 20 mars, prévoit-il.

Ils pourraient ainsi élire moins bien le candidat à la vice-présidence, qui devrait être Wang Qishan, le "tsar de la lutte contre la corruption" du premier mandat de M. Xi.

"C’est un personnage détesté", assure M. Lam, rappelant que le combat contre la corruption, qui assure une certaine popularité à Xi Jinping, a fait tomber quelque 1,5 million de cadres du parti au cours des cinq dernières années. Si Wang Qishan obtenait moins de 80% des voix, "ce serait une gifle pour Xi Jinping", selon M. Lam. (afp)

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