Ces « Arabes du coin » qui nous offrent un zeste d’humanité..
Qui n’a pas en France son ‘’Arabe du coin’’ ouvert le jour comme la nuit, le dimanche comme les jours des fêtes. ‘’Tout le monde en a un, mais le mien, Brahim, diffère des autres’’, se vante Mohcine. D’abord par sa disponibilité (ouvert jusqu’à 3h du matin), ensuite par la variété et la diversité des produits qu’il expose, allant de boîtes de conserves et de produits frais jusqu’aux cartes téléphoniques pour appeler le pays. ‘’On y trouve même des vêtements, des parfums et des cigarettes en paquets ou en détails sous le comptoir, sans parler du couscous à emporter, le vendredi, et les bonbons offerts aux enfants des clients’’, renchérit cet employé, d’origine marocaine, d’un magasin des chaussures.
Ces « Arabes du coin » qui, souvent, sont plus Maghrébins qu’Asiatiques ou Africains, et plus Marocains qu’Algériens ou Tunisiens, imposent une concurrence acharnée aux superettes et aux autres magasins qui réinvestissent les centres des banlieues depuis quelques années, nous explique Mohcine qui semble bien informé sur ce milieu. En Angleterre, nous dit-il, ils sont plutôt Pakistanais ou Indiens, en Allemagne Turcs, en Espagne ou au Canada asiatiques, et aux Etats-Unis Mexicains.
Chez ces dépanneurs indispensables, il ne s’agit pas seulement d’une simple opération vente-achat mais aussi d’une ambiance conviviale qui s’installe le jour comme la nuit entre les habitants ou les passagers du quatier qui s’échangent et s’informent sur des questions allant de la politique jusqu’au petit studio vide à louer pour un ami. Du SDF aux personnes âgées, en passant par les familles ou les célibataires, tous trouvent refuge chez notre ‘’Arabe du coin’’, surtout le soir pour les achats de dernière minute. Ni les complexes sportifs, ni les centres culturels, ni même les lieux de culte ne remplissent aujourd’hui cette fonction de convivialité et dialogue serein entre clients.
Et si pendant des décennies, à Paris, l’Arabe du coin fut synonyme d’épicerie de quartier encombrée de fruits et légumes, de vins et de liqueurs, de produits laitiers et de sucreries, il est aujourd’hui synonyme de lieu de partage et de solidarité.
Dans le premier Observatoire du commerce indépendant réalisé par le grossiste Metro Cash & Carry, le principal atout du commerce alimentaire indépendant appelé ‘’Arabe du coin’’ par rapport aux hyper et supermarchés est sans surprise la convivialité, avec 57% des réponses. Preuve que le client achète un service avant tout. Et preuve aussi que ces hommes qui sous l’appellation familière mais triviale d’’’Arabes du coin’’, offrent dans leur univers chaleureux un coin d’humanité.
Mais une question revient à chaque instant peser fort sur ces dépanneurs de nuit. La nourriture de ces petites épiceries serait-elle bonne pour la santé des clients ? La réponse est oui selon les services d’hygiène et de contrôle qui n’ont enregistré que 3% de contravention sur les 18 000 à 20 000 épiceries indépendantes en France.
Selon les experts commerciaux cités dans une étude sur le commerce indépendant élaborée par la chambre de commerce de Paris, ‘’le modèle des hypermarchés ne correspond plus aux attentes de la société française’’. D’autant que le vieillissement de la population et l’essor des familles monoparentales sont des éléments favorables au commerce de proximité.
En gros, la personnalisation du service, l’hospitalité, la convivialité, la politesse, la capacité d’adaptation aux moyens du client, la souplesse dans l’exécution…sont autant de facteurs qui privilégient nos ‘’Arabes du coin’’. Ne relevant d’aucune hiérarchie, ces commerçants sont leur propre patron et disposent d’une totale liberté pour apporter tout service utile à leurs clients et tisser les relations les plus étroites avec eux. Alors que les commerçants de proximité sous enseigne, dépendants de grands groupes, n’ont pas forcément la même disponibilité pour leur clientèle’’.
Et Brahim Kendy, originaire de Taroudante et propriétaire de l’épicerie ‘’Agadir’’ de nous confirmer :‘’Il me semble que l’âme d’un quartier ou d’une cité réside chez ‘’l’épicier du coin’’, ‘’l’Arabe du coin’’, que l’Arabe soit arabe, turc, indien ou asiatique.
Anas Bachir