Au Pakistan, forte affluence dans les mosquées pour la prière du vendredi malgré le coronavirus
La fréquentation était importante pour la prière du vendredi dans de nombreuses mosquées du Pakistan, malgré les craintes d’une propagation du nouveau coronavirus dans un pays au système de santé en déshérence.
Alors que l’Arabie Saoudite a interrompu les pèlerinages et fermé les mosquées, et qu’une fatwa en Égypte a permis l’interdiction des prières publiques, les fidèles restaient nombreux dans les lieux de culte du Pakistan, pays de plus de 200 millions d’habitants, très majoritairement musulmans.
« Nous ne croyons pas au coronavirus, nous croyons en Allah. Quoi qu’il arrive, cela vient d’Allah », a déclaré l’un d’eux Altaf Khan, alors que d’autres portant des masques affluaient pour la prière du vendredi à Islamabad.
Les principaux érudits du pays ont conseillé aux personnes âgées et aux malades d’éviter les mosquées. Ils ont demandé aux imams de faire des sermons brefs.
Mais sur les réseaux sociaux, des vidéos vues par des centaines de milliers d’internautes ont appelé les fidèles à ne pas modifier leurs habitudes.
« La plupart des gens sont terrifiés », expliquait cette semaine Syed Ashfaq Ahmed, un habitant d’Islamabad, interrogé par l’AFP au sortir d’une mosquée où les croyants s’étaient selon lui rendus « pour demander de l’aide à Allah ».
Le Pakistan recense pour l’instant 1.252 malades du Covid-19. Neuf personnes en sont mortes. Malgré les craintes de voir le système de santé dépassé par la pandémie, les autorités ont choisi de ne pas fermer les mosquées, contrairement aux autres lieux publics.
« Maillon faible »
« La religion est toujours le maillon le plus faible des institutions de l’État », estime Amir Rana, directeur de l’Institut pakistanais d’études sur la paix. « Le gouvernement craint la réaction du clergé ».
Alors que le Pakistan, après des décennies de sous-investissement dans la santé, a échoué à éradiquer la polio, la tuberculose ou l’hépatite, son Premier ministre Imran Khan a refusé à plusieurs reprises de confiner le pays, arguant qu’une telle mesure ferait « mourir de faim » les plus pauvres.
Les autorités provinciales ont donc pris le relais. Le Pendjab (Est) et le Baloutchistan (Sud-Ouest) ont appelé à ce qu’un très faible nombre de personnes participent aux prières. Le Sindh (Sud) a prononcé l’annulation des prières du vendredi.
« L’ignorance de la classe religieuse réactionnaire » est responsable de la propagation du nouveau coronavirus, a tweeté jeudi soir le ministre des Sciences Fawad Chaudhry.
Le Pakistan n’est pas un cas unique. En Indonésie, plus grande nation musulmane au monde, beaucoup de gens ont ignoré les appels à prier chez eux.
« Je sais que nous sommes autorisés à compenser la prière du vendredi en la faisant chez nous. Mais je veux la faire parmi les gens », a déclaré à l’AFP Dhinka Fahlevi Rizkiansyah, 27 ans, à Bekasi, une ville satellite de la capitale Jakarta.
« Allah protègera »
« J’ai apporté mon propre tapis de prière et j’ai immédiatement pris une douche en rentrant à la maison ».
Les mosquées étaient bondées à Kaboul, a constaté l’AFP. « Allah protégera les musulmans des désastres causés par le coronavirus », a déclaré un imam dans une mosquée comble du centre de la capitale afghane.
Dans le monde chrétien, le dirigeant brésilien Jair Bolsonaro – élu en 2018 avec le soutien de la puissante communauté chrétienne évangélique – a déclaré que les églises étaient exemptées des mesures de confinement.
Et le président américain Donald Trump a lancé un appel pour des « églises bondées » à Pâques, dans trois semaines, alors que la pandémie progresse de façon exponentielle aux Etats-Unis.
Au Pakistan, la majorité des premiers malades étaient des pèlerins revenant d’Iran, où les autorités ont refusé pendant des semaines de fermer les lieux saints du chiisme, favorisant la contamination de dizaines de milliers de personnes.
Le Pakistan a lui-même autorisé un rassemblement massif de tablighis, un mouvement de missionnaires musulmans, début mars, finalement stoppé après quatre jours. Là encore, des cas de Covid-19 ont été recensé parmi les 250.000 participants.
« Le bon sens vous dit que les risques sont très élevés » de se rassembler, même pour prier, en ces temps difficiles, observe Arshad Altaf, spécialiste de la santé publique basé au Pakistan. « Le gouvernement doit prendre l’initiative ».