Entre appels répétés à « l’unité », promesses de « transparence » et remerciements tous azimuts aux Français travailleurs comme confinés, l’exécutif s’emploie à colmater les brèches d’une société en proie à la défiance, face à la « vague extrêmement élevée » de coronavirus.
En ce temps de crise, aucune étincelle n’est admise, à l’image du faux pas commis par la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye qui avait maladroitement évoqué mercredi ces enseignants qui « ne travaillent pas ».
Il a fallu qu’Emmanuel Macron comme Édouard Philippe déploient les lances à incendie, le Premier ministre adressant vendredi « un mot particulier » à ceux qui « font un travail remarquable, d’imagination, d’inventivité, de mobilisation pour essayer de garantir cette continuité pédagogique ».
Alors que l’exécutif s’inquiète de la hauteur de la vague qui « déferle sur la France » et prédit une situation « difficile pendant les jours qui viennent », « il va falloir tenir », a encore exhorté le Premier ministre au sortir d’une visioconférence avec l’ensemble du gouvernement (un exercice qu’il va reconduire à raison de deux fois par semaine).
Le leitmotiv du « rassemblement » s’est donc invité vendredi midi lors d’une réunion de plus de deux heures entre MM. Macron et Philippe, syndicats et patronat dans un contexte où de fortes turbulences économiques et sociales vont intervenir. L’unité doit se décliner « au sein du monde du travail, pour qu’il n’y ait pas de clivage entre les cols blancs et les cols bleus », dit-on à l’Élysée.
L’exécutif cherche donc à donner des gages à un tissu social éprouvé et susceptible de s’enflammer rapidement.
Cela se traduit par des remerciements marqués au personnel hospitalier qui héritera d’un « plan massif d’investissements et de revalorisation des carrières ». Mais aussi à « l’ensemble des fonctions publiques remarquablement mobilisé », a souligné M. Philippe, citant policiers, gendarmes, militaires, sapeurs-pompiers mais aussi « fonctionnaires du ministère de l’Économie et des Finances », du « ministère du Travail »…
Tous devront bénéficier d’une prime exceptionnelle sous forme d’une majoration de leurs heures supplémentaires, a annoncé mercredi Emmanuel Macron. Les détails en seront annoncés « dans les tout prochains jours » a précisé Sibeth Ndiaye, à l’issue du Conseil des ministres.
« Car si la crise dure les équipes vont s’épuiser », note une source ministérielle qui déplore toutefois que « quelques éléments cherchent à agiter les peurs et ne sont pas à la hauteur du moment », en allusion aux préavis de grève déposés par une fédération CGT et par la fédération Sud-Collectivités territoriales.
La « deuxième ligne », dixit M. Macron, bénéficie aussi des égards présidentiels: caissières, agriculteurs, livreurs, routiers, soit « tout ce peuple travailleur de France qui se bat » et dont certains ont pu constituer le noyau originel du mouvement des « gilets jaunes ».
« Transparence »
Cependant, l’exécutif peine à faire consensus, pâtissant aussi de communications erratiques ou contradictoires, que ce soit sur l’intérêt du port du masque, du dépistage ou encore la récente incitation du ministre de l’Agriculture Didier Guillaume à aller aider aux champs, alors qu’un durcissement du confinement était prononcé.
Vendredi, M. Philippe a d’ailleurs demandé à ses ministres de « de resserrer l’organisation et la discipline » autour de la communication, selon son entourage. « Chacun doit se concentrer sur son champ de compétence et chaque communication grand public doit être validée par Matignon », ajoute-t-on de même source, assurant qu’il ne s’agissait pas d’un « recadrage ».
Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 73 % des Français pensent que la France n’est pas prête à faire face au coronavirus, soit 16 points de plus en une semaine. Et une majorité d’entre eux (56 %, +14) considèrent désormais que le dossier est « mal géré ».
« Pour l’heure, les Français serrent les rangs (et les dents) mais de plus en plus s’interrogent, voire éprouvent de la colère sur ce qui apparaît comme une préparation insuffisante », décrypte dans Les Echos Jérôme Fourquet, directeur Opinion et Stratégies de l’Ifop.
Pour faire face à ce procès, instruit notamment par les oppositions qui reprochent les pénuries de masques et de tests, l’exécutif assure faire oeuvre de « transparence ». Samedi, Édouard Philippe et le ministre de la Santé Olivier Véran tiendront une conférence de presse à Matignon sur « toutes les questions que les Français se posent légitimement », espérant aussi contrer certaines théories du complot.
« On n’a rien à cacher des difficultés, des tensions que l’on affronte », assure-t-on dans l’entourage du Premier ministre, qui veut croire qu' »on ne nous reprochera pas nos difficultés du moment qu’on en explique la cause et ce qu’on fait pour y remédier ».