Au Maroc, l’homme de religion Ahmed Abbadi détricote le discours extrémiste

Narjis Rerhaye (A Rabat)

Ce sont des cahiers salutaires publiés dans la plus grande discrétion par la Rabita Mohammedia des Oulémas. Des cahiers qui guident et instruisent pour déconstruire le discours extrémiste au Maroc.

C’est Ahmed Abbadi, le secrétaire général de cette institution qui promeut un Islam tolérant et généreux, qui est à l’origine de ce projet faisant le pari de détricoter le discours des extrémistes de tous bords qui se servent de la religion musulmane pour répandre la terreur. Et l’islamologue Eric Geffroy a eu la belle idée de traduire en langue française et de faire publier aux éditions Umfrance ce fascicule élaboré par A. Abbadi et qui peut d’ores et déjà être considéré comme un véritable guide du démantèlement du discours de l’extrémisme religieux.

L’entreprise est délicate, par moment périlleuse. Les sept cahiers patiemment élaborés par Ahmed Abbadi et ses équipes laissent place à la recherche intelligente et la belle exégèse. Pour déconstruire le discours extrémiste, il faut démontrer l’instrumentalisation de l’Islam, une instrumentalisation fondée sur l’ignorance d’une jeunesse avec comme seul bagage de fausses certitudes. Ahmed Abbadi n’hésite pas à questionner le contexte contemporain pour tenter de comprendre comment le discours extrémiste a pu prendre une telle ampleur et occuper le terrain.

Cet homme de religion évoque sans langue de bois ce matelas sur lequel repose l’extrémisme religieux et sectaire. Ces terrains favorables sont, écrit-il, constitués de l’élite incompétente, de la violence physique et morale et de la faiblesse des institutions des oulémas. Le constat est nécessaire pour pouvoir aller plus loin.

Il faut s’armer de savoir et d’érudition pour procéder à ce travail de déconstruction du discours des extrémistes religieux. « Le résultat de ce travail montre que ce discours tire son attrait de rêves et de blessures, ainsi que de présumés arguments légaux. S’ils ne font pas l’objet d’un tri et d’un discernement, ceux-ci prévaudront encore comme une source de confusion et de séduction. » .
Entre érudition et ouverture d’esprit, l’auteur a identifié les blessures qui constituent le terreau fertile où croît le discours des extrémistes.

De la théorie du complot aux relents du colonialisme en passant par l’occupation israélienne de la Palestine, du cocktail irakien, afghan, bosniaque etc ou encore le dénigrement des musulmans dans les médias occidentaux et le pillage de la richesse du monde arabo-musulman etc, ce sont là autant de blessures qui facilitent l’endoctrinement d’une jeunesse en perte de repères et de valeurs.
Fort heureusement, Ahmed Abbadi ne fait pas que de procéder à un diagnostic et de dresser un constat.

Des pistes de solutions sont également proposées par celui qui mène un travail de fond et de repentir dans les prisons marocaines au plus près des détenus de la salafya jihadia. Ce responsable religieux mentionne « l’obligation de concevoir une politique institutionnelle permettant une déconstruction durable et l’élaboration de stratégies de réfutation ».

« Formuler, construire et mobiliser les compétences pour rendre possible la production de contenus forts et concurrentiels » écrit-il avant de plaider pour la mise en place d’observatoires nationaux des valeurs et le renforcement dans les domaines et espaces où se trouvent les jeunes. Le Secrétaire général de la Rabita Mohamedia des oulémas en est convaincu. L’éducation par les pairs est ici primordiale. Seuls des jeunes outillés et formés pourront parlés à des jeunes endoctrinés.

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