Depuis son accession au Trône, Mohammed VI a toujours été perçu aussi bien par le voisinage immédiat que par le communauté internationale comme un homme de paix convaincu, un acteur de développement et de la prospérité privilégiant le dialogue, la diplomatie à la confrontation et au recours à la force. Face à l’adversité et pour défendre les intérêts du Royaume, sa stratégie politique et militaire a toujours été de tracer des lignes rouges qu’il ne faut pour aucun prétexte enjamber, accompagnée d’une vision basée sur le dialogue, la négociation et la mise en valeur des intérêts mutuels. Ces lignes rouges sont configurées sur la base d’une unité territoriale marocaine portée par un consensus national d’une solidité à toute épreuve.
Face à l’Algérie, cette doctrine a été appliquée dans toutes ses gammes. D’ailleurs depuis longtemps, il ne se passe pas une occasion de célébration nationale ou régionale sans que le souverain marocain n’insiste sur les dommages et les grandes pertes et autres déperditions d’énergies et de ressources que cette tension factice entretenue artificiellement entre le Maroc et l’Algérie provoque chez les peuples de la région. Il invoque pour cela les esprits de la lutte commune contre le colonialisme sur la base de la fraternité des armes et du sang versé par de nombreuses générations pour que ces pays puissent jouir de leur indépendance. Il souligne la grande homogénéité culturelle et géographique entre les peuples de la région. Il met en perspective la complémentarité de leurs économies. Il décrit en filigrane la grande force et la puissante richesse que constituerait cet ensemble régional qu’est le Maghreb arabe s’il parvient à unir ses efforts et à dépasser ses antagonismes.
Cette offre royale, le fruit d’une prise de conscience aiguë de la nécessité de sortir du statu quo paralysant qui caractérise les relations entre les deux pays intervient dans un contexte international où le Maroc est en passe de gagner la grande bataille diplomatique de sa cause nationale. Son offre d’autonomie élargie à l’intérieur de la souveraineté marocaine pour trouver une issue à cette question est en train de s’imposer dans tous les forums internationaux comme la seule solution viable pour clore ce conflit et les souffrances et les sacrifices qu’il impose aux peuples de la région.
Elle intervient aussi dans un contexte algérien particulier. Le pays entame une séquence présidentielle à très hauts risques où le président sortant Abdelaziz Bouteflika , âgé et handicapé par la maladie, envisage de se présenter pour un cinquième mandat. Le pays est soumis à une lourde pression conservatrice dans laquelle certains cercles de pouvoir trouveraient un intérêt particuliers à rendre permanent cette posture agressive et tendue à l’égard du voisin marocain. Mais il peut aussi vivre une situation d’accélérations et de ruptures où d’autres forces verraient d’un bon œil le rapprochement avec le Maroc, l’ouverture des frontières et la clôture d’un conflit devenu pour eux fardeau politique et source d’hémorragie économique.
En attendant la réponse de l’Algérie à cette main tendue du Roi du Maroc qui se propose aussi bien de relancer le rêve maghrébin que d’écrire un nouveau destin commun, l’ensemble des peuples de la région qui paient au quotidien la lourde facture du « Non-Maghreb » , en termes niveaux de développement et de failles de sécurité, est en attente d’une éclaircie politique dans les relations entre Rabat et Alger. Cette réponse peut prendre le temps d’une grande gestation. Le message Royal a été formulé de telle manière que les citoyens maghrébins puissent en capter à la fois l’essence historique et l’urgence d’agir.