Anne Sinclair, l’épouse qui fait écran
Depuis leurs noces en 1991, l’ex-journaliste de TF1 a toujours montré une solidarité sans faille envers son mari.
Dimanche, donc, elle était encore là. Pas à ses côtés, non, puisqu’elle était à Paris ce désastreux samedi, mais solidaire toujours. Preuve toutefois que l’heure était grave, ce n’est pas sur son blog qu’elle a souhaité le soutenir mais par un bref communiqué publié à 16 h 37 à l’AFP, proclamation politique plus que déclaration enflammée : «Je ne crois pas une seule seconde aux accusations qui sont portées contre mon mari pour agression sexuelle, je ne doute pas que son innocence soit établie.»
Angora. Si elle est aujourd’hui entièrement, viscéralement madame Strauss-Kahn, il ne faut pas oublier qu’il fut longtemps monsieur Sinclair. En d’autres termes, cet homme-là doit beaucoup à cette femme-ci : sa présence médiatique, son carnet d’adresses, son statut social, sa fortune, peut-être même sa stature politique. Beaucoup, ces derniers temps, affirmaient que l’ambition présidentielle, c’était elle qui la portait, une thèse qui prend tout son sens aujourd’hui, alors que certains psys avancent l’hypothèse de l’acte manqué pour expliquer l’invraisemblable scénario de samedi.
Quand Dominique Strauss-Kahn rencontre Anne Sinclair, en 1989, elle est au faîte de sa gloire, journaliste vedette de TF1 où elle anime, chaque dimanche soir, l’émission politique 7 sur 7. De ce rendez-vous incontournable, on garde le souvenir d’une journaliste ferme mais aimable, d’un incroyable regard bleu amusé, curieux et charmeur, d’un moment chaud et doux, à l’image de ses pulls angora qui étaient sa marque de fabrique. Lui n’est «que» président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, il fait partie de la génération montante du Parti socialiste, mais n’est guère connu du grand public. Leur histoire d’amour, immédiate, passionnée, va en faire un des couples politiques les plus en vue du pays, attelage d’énergie, d’intelligence, de réseaux et d’ambitions.
Pendant longtemps, tout a réussi à Anne Sinclair. Petite-fille du grand marchand d’art Paul Rosenberg, un des galeristes les plus avisés du XXe siècle ; fille unique et surprotégée de Robert Schwartz – engagé dans la France libre, il lui a transmis son nom de guerre, Sinclair – et de Micheline Nanette Rosenberg, un couple aisé du XVIe arrondissement de Paris où elle a passé sa jeunesse, elle aurait pu devenir une grande bourgeoise gâtée et désœuvrée. Mais de sa famille, elle a aussi hérité le culte de l’esprit de résistance. Dans les années 68, ce n’est pas Cohn-Bendit qui la fascine, mais Mendès France pour qui elle colle des enveloppes et distribue des tracts. Elle a toujours défendu un Etat «qui protège mais qui impulse aussi».
Divorcée du journaliste de radio Ivan Levaï, dont elle a deux fils, elle épouse Dominique Strauss-Kahn en 1991 et abandonne 7 sur 7 quand il devient ministre de l’Economie de Lionel Jospin, en 1997. Elle dirige pendant quatre ans la filiale internet de TF1, et ceux qui l’ont côtoyée à ce moment-là évoquent une femme «professionnelle, moderne». Pas du tout la grosse tête.
Fusionnel. Au fil des ans, Anne Sinclair passe dans l’ombre, elle s’efface au profit de Strauss-Kahn, c’est clairement une femme amoureuse, «prête à se sacrifier pour son mec», comme le notait une de ses amies dans un portrait publié dans Libération en 1997. On dit le couple fusionnel, soudé par une immense complicité. Résistera-t-il à cette affaire ? Ces derniers temps, elle préparait l’atterrissage de son mari en France via des posts savamment distillés sur son blog («deux ou trois choses vues d’Amérique») ; elle se voyait sans doute en première dame. Jusqu’où ira son esprit de sacrifice ?