Amsterdam: des chercheurs et des universitaires débattent du phénomène du « Jihadisme » en Europe et ailleurs
Venus du Maroc, de France, de Belgique, des Pays-Bas, de Lybie, de Tunisie, d’Egypte, d’Albanie et du Mali, ces conférenciers de différents horizons ont échangé, lors d’une rencontre internationale sur le thème "l’Europe: un nouveau terreau du jihadisme", leurs points de vues sur ce phénomène qui préoccupe aujourd’hui, à la fois, les décideurs et les peuples.
Intervenant lors de cette rencontre, le secrétaire général du Conseil de la Communauté Marocaine de l’Etranger (CCME), M. Abdelah Boussouf a souligné que la prise des jeunes immigrés dans les filets du "jihadisme" est une responsabilité partagée entre la communauté musulmane et les autorités des pays d’accueil.
Après avoir rappelé les fondamentaux de l’Islam, M. Boussouf a souligné que la responsabilité des écoles européennes est engagée, du fait que certains manuels scolaires continuent de véhiculer des stéréotypes sur les arabes et l’Islam, ce qui ne sera pas sans effet sur les jeunes apprentis musulmans.
"Les instituteurs qui enseignent à ces élèves se doivent d’être au courant de certaines spécificités et réalités historiques et religieuses pour bien accomplir leur mission", a-t-il dit.
Pour sa part, le président du Centre Marocain d’études Stratégiques (SMES), M. Mohammed Benhammou, a indiqué que la Syrie et le Sahel sont aujourd’hui les destinations les plus énoncées de ce mouvement des jihadistes, ajoutant que l’augmentation des effectifs de ces derniers en Syrie est due en premier lieu à la facilité d’accès au moment où la ruée vers le Sahel "a été compliquée par l’intervention française".
M. Benhammou, également président de la Fédération africaine des Etudes Stratégiques (FAES), a noté que la transition en Afrique du Nord a créé une nouvelle réalité géopolitique d’autant plus que certains Etats connaissent "une fragilité sécuritaire", mettant en relief l’impératif d’une stratégie régionale pour éviter que d’autres pays notamment l’Algérie, le Niger et la Tunisie, qui ont fait récemment l’objet d’attaques, ne tombent dans le mains des terroristes à l’instar du Mali.
De son côté, l’ex-ministre malien et Consultant, M. Zeini Moulaye a souligné que l’extrémisme était jusqu’à récemment étranger au Mali qui partage la même compréhension de l’Islam que le Maroc, ajoutant que le phénomène a fait son apparition avec l’arrivée des éléments du groupe salafiste algérien GSPC.
M. Moulaye a indiqué qu’au regard de la prolifération du trafic de tout genre (cigarettes, arme et être humain) et l’interconnexion entre différents groupes radicaux, "on a assisté à une hybridation des menaces et des acteurs (…) ce qui va faire par la suite du Mali le centre névralgique de leurs activités en Afrique de l’ouest".
M. Jean François Daguzan de la Fondation pour la recherche et stratégie (France) a pour sa part relevé que la superposition de la problématique du jihad, d’un cô té et du crime et du trafic de l’autre a facilité l’interaction entre les différents acteurs, admettant que la rencontre du local (cause touareg) et du global (Al Qaida) a mené à une situation complexe au Mali.
Les intervenants ont été unanimes à souligner que le problème des jeunes jihadistes qui partent de certains pays européens trouve ses origines dans le déracinement et le déchirement identitaire que ressentent certains immigrés, d’où la nécessité d’une stratégie globale de prévention basée sur la création des conditions idoines d’intégration et de reconnaissance sur les plans scolaire, social et de l’emploi.
Ils ont par ailleurs insisté sur l’importance de la mise en place d’une la coopération régionale, une menace commune ayant besoin, d’après eux, d’une action collective.
Organisée à l’initiative de la Fondation Argan (Pays-Bas) et le Centre Marocain des Etudes Stratégiques, cette rencontre a été l’occasion de traiter divers thèmes, notamment "Les destinations actuelles du jihad y compris la Syrie et le Sahel", "le profil des nouveaux jihadistes", "les canaux et réseaux de recrutement des jihadistes" et "le danger latent en Europe".
Cette rencontre se tient alors que le débat s’accentue en Europe et ailleurs sur l’enrô lement par des réseaux spécialisés de jeunes jihadistes pour rejoindre les rangs des combattants qu’il soit en Syrie ou au Sahel. Des centaines de ressortissants européens combattent actuellement en Syrie, où plusieurs ont été tués, d’après des informations des services européens de sécurité.