Les temps ne sont plus à la rigueur budgétaire en Allemagne: le gouvernement a adopté lundi un plan de sauvetage sans précédent de plusieurs centaines de milliards d’euros pour protéger son économie de l’impact du coronavirus.
Voici les principales mesures envisagées, qui doivent encore être entérinées par le parlement cette semaine :
– Des centaines de milliards –
Le programme comprend trois éléments essentiels: une rallonge budgétaire fédérale de 100 milliards d’euros environ pour cette année, la création d’un fonds de secours pour les grandes entreprises et leurs salariés avec possibilité de nationalisations partielles, doté de jusqu’à 600 milliards d’euros, et une capacité pour l’Etat de garantir des prêts bancaires aux entreprises en difficulté relevée de 357 milliards d’euros à 822 milliards d’euros au total.
Toutefois, selon le gouvernement, ces chiffres ne peuvent pas être simplement additionnés car certains des financements se recoupent entre eux.
– La fin d’un tabou –
Pour la première fois depuis 2013, l’Allemagne, chantre de l’orthodoxie budgétaire, prévoit de contracter des dettes cette année, à hauteur de quelque 156 milliards d’euros. A la fois pour financer des mesures de soutien et compenser un recul de ses recettes fiscales.
La politique d’équilibre budgétaire dite du « zéro déficit », souvent décriée par les partenaires de l’Allemagne qui l’accusent de freiner la croissance par sa rigueur, vole ainsi en éclat.
Ces emprunts forcent aussi la première économie européenne à mettre en veilleuse la règle constitutionnelle du « frein à l’endettement » qui dicte sa conduite depuis des années. Mise en place en 2011, elle n’autorise en principe qu’un déficit pouvant aller jusqu’à 0,35% du PIB.
Ce seuil peut néanmoins être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles, que Berlin invoque avec le coronavirus.
– Nationalisations partielles –
Le plus gros de l’enveloppe annoncée lundi vise à assurer la survie des grandes entreprises du pays, très exportatrices et en conséquence particulièrement fragilisées par la crise.
Il s’agit aussi d’empêcher qu’elles tombent dans les griffes d’investisseurs étrangers. Le ministre de l’Economie Peter Altmaier a mis en garde contre « des ventes en série » des joyaux nationaux.
Le gouvernement met ainsi en place un Fonds de secours de jusqu’à 600 milliards d’euros, via lequel l’Etat, via sa banque publique KfW, pourra garantir les crédits de ces entreprises et, pour celles qui risquent la faillite, acheter des parts dans leur capital.
L’Etat avait fait de même dans le secteur bancaire avec Commerzbank lors de la crise financière de 2008/2009. Les secteurs du tourisme, services aux entreprises ou transport pourraient être les premiers à en bénéficier.
La compagnie aérienne Lufthansa, dont la plupart des avions sont désormais cloués au sol, est un des candidats potentiels à la semi-nationalisation.
– PME, salariés, hôpitaux
Le gouvernement veut dépenser un paquet de 50 milliards d’euros d’aides directes pour les PME ou les travailleurs indépendants tels que les photographes, artistes ou physiothérapeutes dans l’incapacité d’exercer leur profession en raison des mesures de confinement.
Ils recevront une aide individuelle de 9.000 à 15.000 euros pour trois mois. Une condition: ils devront prouver que leur problème de trésorerie est liée à la crise.
Certaines régions allemandes vont permettre aussi à leurs entreprises de différer le paiement de leurs impôts.
Berlin va aussi financer toute une série de mesures sociales, telles un report de paiement des loyers ou un assouplissement du recours au chômage partiel qui devrait toucher plus de 2 millions de personnes, d’après les dernières projections, soit largement plus que les 1,4 million lors de la crise de 2008/09.
Enfin, l’Etat va allouer 10 milliards d’euros supplémentaires cette année au système de santé. Il s’agira en particulier d’aider les hôpitaux à s’équiper en nouveaux lits à assistance respiratoire.