Algérie : Said Bouteflika, le frère cadet du président, véritable patron du FLN ?

On le dit puissant, faiseur et défaiseur de carrières Said Bouteflika. Tapi dans l’ombre, n’agissant jamais sous les lumières, ne s’exprimant jamais dans les médias, le jeune frère du chef de l’Etat gèrerait tout, ou presque. La présidence, les affaires, les ministres, les dirigeants de partis, et maintenant les listes des candidats à la députation au sein du parti FLN (Front de libération nationale) ?

En l’espace de dix jours, un ancien ministre, Boudjemaâ Haichour, parti en croisade à la tête de 220 membres du comité central (CC) du FLN pour obtenir la destitution de Abdelaziz Belkhadem, accuse nommément Said Bouteflika d’être directement intervenu dans la confection des listes électorales du FLN aux législatives de mai 2012.

La première fois, ce fut lors d’un entretien accordé au quotidien arabophone Djazair News.

Dépité par son exclusion de ces listes, M. Haïchour accuse M. Belkhadem d’avoir abdiqué. « Belkhadem m’a affirmé textuellement, vous pouvez le publier, que la candidature de Rachid Harouabia (ministre de l’Enseignement supérieur, NDLR) lui a été imposée par Said Bouteflika », affirme-t-il dans cet entretien paru mercredi 4 avril.

Il impose

Ni Belkhadem ni encore moins Said Bouteflika n’ont confirmé ou démenti ces propos. Il est vrai que le frère cadet du président qui occupe les fonctions de conseiller à la présidence, ne s’exprime jamais dans la presse. Jamais.

Une seconde fois, ce vendredi 13 avril dans une interview publiée cette fois-ci par El Watan Week-end. Le même Boudjemaâ Haïchour revient à la charge en attaquant le couple.

« Il (Belkhadem, NDLR) me l’a affirmé dans son bureau lors d’une rencontre au cours de laquelle j’étais venu contester l’éventualité de voir Rachid Harraoubia désigné tête de liste à Alger. Il m’a avoué que Harraoubia et Louh (ministre du Travail et de la protection sociale, NDLR) lui ont été imposés par le frère du Président ».

Donc Said Bouteflika, qui n’exerce aucune fonction officielle au FLN, parti au sein duquel il n’a jamais milité, impose sinon sa loi, ses choix.

Joujou

Le SG du FLN, en poste depuis 2005, serait-il devenu un joujou entre les mains du conseiller spécial du chef de l’Etat ? Said Bouteflika serait-il en fait le véritable patron de l’ex-parti unique dont la présidence est assurée par son frère ainé ?

Il faut peut-être croire M. Haïchour puisqu’il l’affirme à deux reprises sans qu’il ne soit démenti.

Si la confection des listes électorales du FLN fait couler beaucoup d’encore et provoque une nouvelle fronde qui emporterait à terme Abdelaziz Belkhadem, elle illustre aussi l’ascendant pris par Said Bouteflika, 54 ans, sur ce parti. Du moins, sur son chef officiel.

Si cet ancien professeur à l’université de Bab Ezzouar a réussi à imposer trois ministres comme candidats à la députation -au risque de provoquer une grave crise au FLN -, si encore Abdelaziz Belkhadem avoue son impuissance à s’opposer à ces choix dictés par téléphone ou autour d’un thé ou d’un whisky, cela voudrait simplement dire que le véritable patron du parti ; celui à qui l’on obéit sans moufter ; celui à qui l’on n’ose pas dire non, ce patron là n’est autre que Said Bouteflika.

Qui connait Said ?

C’est que ce vaudeville qui secoue le vieux parti autour des listes électorales remet en lumière le rôle occulte de Said Bouteflika dans les arcanes du sérail algérien.

Certes l’homme est aussi muet qu’une tombe, certes encore fuit-il les lumières, mais il n’est pas moins craint pour les pouvoirs réels ou supposés que lui confèrent son nom -Bouteflika- et sa très grande proximité avec son frère chef de l’Etat.

De Said Bouteflika, on dit et prétend tout. Mais de lui on sait peu de choses. Très peu.

C’est d’autant plus surprenant que l’homme cultive une très grande proximité avec bon nombre de journalistes et de photographes de presse algériens pour lesquels il a toujours un petit mot, un petit geste d’égard, une petite tape dans le dos, dans les sorties officielles.

Avant l’élection de Bouteflika en avril 1999, Said exerçait les fonctions de professeur à l’université de Bab-Ezzouar.

A l’époque, il fut membre du CNES, le syndicat des enseignants, et fréquentait même les cercles de l’extrême gauche, en l’occurrence les trotskistes.

Depuis l’élection de son frère, Said est officiellement conseiller à la présidence, nommé par décret non publiable. Mais à l’ombre du grand frère qu’il accompagne partout en Algérie et à l’étranger, il est devenu une sorte de vice-président.

La patron ?

Un président-bis qui fait et défait les carrières des ministres, de hauts cadres de l’Etat, de députés…Un personnage qui aurait jeté ses tentacules sur divers secteurs d’affaires, frayant avec dirigeants de partis politiques, industriels, importateurs et businessmen et intriguant derrière les rideaux.

In fine, sa puissance réelle ou supposée aura contribué à faire de lui un Vizir qui aspirerait même à prendre la place du grand frère lorsque celui-ci aura quitté le pouvoir.

Et n’est-ce pas cette puissance, n’est-ce pas ce pouvoir occulte, qui lui permettent aujourd’hui de dicter ses choix dans l’élaboration des listes électorales du FLN jusqu’à en faire le véritable patron ?

Farid Alilat

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