Algérie: le procès de l’opposant Karim Tabbou reporté au 26 octobre
La justice algérienne a de nouveau reporté lundi le procès de l’opposant Karim Tabbou, figure emblématique du mouvement populaire antirégime, à la veille du verdict très attendu de l’appel du journaliste Khaled Drareni, autre symbole de la lutte pour la liberté d’opinion en Algérie.
M. Tabbou, visage très populaire du « Hirak », le mouvement de contestation pacifique, sera jugé le 26 octobre, selon des sources judiciaires. « Le report a été demandé par la défense », a précisé à l’AFP un avocat, Abdellah Haboul.
L’opposant a comparu, libre, devant le tribunal de Koléa, à l’ouest d’Alger. Son procès a été déjà repoussé à quatre reprises en raison de l’épidémie de coronavirus.
Age de 47 ans, il avait été détenu pendant neuf mois avant une libération conditionnelle le 2 juillet dernier. Il est poursuivi pour « atteinte au moral de l’armée » et « atteinte à l’intégrité du territoire », à la suite de déclarations critiquant le régime et l’armée en mai 2019 lors d’un meeting à Kherrata (nord-est), un fief du « Hirak ».
Il encourt jusqu’à dix ans de prison.
Chef d’un petit parti d’opposition non agréé, l’Union démocratique et sociale (UDS), son portrait était régulièrement brandi lors des manifestations hebdomadaires contre le pouvoir en Algérie jusqu’à leur suspension en mars dernier en raison de la crise sanitaire.
« Vrai processus politique »
M. Tabbou a été condamné le 24 mars à un an de prison ferme et à une amende de 50.000 dinars (environ 325 euros) dans une autre affaire. Il était accusé d' »atteinte à l’intégrité du territoire national » après une vidéo publiée sur la page Facebook de son parti dans laquelle il critiquait le rôle de l’armée dans la politique, selon Amnesty International.
Le 2 juillet, trois autres militants connus du « Hirak » avaient bénéficié également d’une liberté conditionnelle, une mesure alors considérée comme un geste d’apaisement de la part du pouvoir.
Au lendemain de sa sortie de prison, l’opposant avait plaidé en faveur de la libération des détenus du « Hirak » et appelé à un « vrai processus politique ».
Né en février 2019 d’un immense ras-le-bol des Algériens, le « Hirak » réclame un profond changement du « système » en place depuis l’indépendance en 1962. Il avait provoqué le départ du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans au pouvoir.
Autre figure du combat pour les libertés, Khaled Drareni, 40 ans, incarcéré depuis le 29 mars, sera quant à lui fixé sur son sort mardi lors du verdict de son procès en appel.
Ce directeur du site d’information en ligne Casbah Tribune et correspondant en Algérie pour TV5 Monde et Reporters sans frontières (RSF), a été condamné le 10 août à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 50.000 dinars pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale ».
Soutien
Khaled Drareni avait été arrêté à Alger le 7 mars alors qu’il couvrait une manifestation du « Hirak ». Il est aussi accusé d’avoir critiqué sur Facebook le système politique.
La sentence, d’une sévérité inédite, a surpris et indigné ses confrères.
Les comités de soutien au journaliste, en Algérie et à l’étranger ont réclamé sa libération « immédiate et « inconditionnelle » en raison de son état de santé « particulièrement préoccupant », selon RSF.
Pour le quatrième lundi consécutif, journalistes, avocats, militants, ex-détenus et proches de Khaled Drareni -au nombre d’une centaine- se sont retrouvés à la Maison de la Presse à Alger pour réclamer sa libération.
Dans un communiqué, RSF a dénoncé lundi « les pressions et les tentatives de corruption dont il a été la cible ».
Les procès de Karim Tabbou et Khaled Drareni cristallisent les tensions politiques et suscitent l’inquiétude de la société civile et des ONG qui dénoncent le musèlement de toute dissidence et une répression plus insidieuse depuis le début de la pandémie.
Il n’est guère de journée sans que des militants, des opposants, des journalistes ou des blogueurs ne soient interpellés, poursuivis, condamnés et, parfois, emprisonnés.
Selon le Comité national de libération des détenus (CNLD), quelque 45 personnes sont actuellement derrière les barreaux pour des faits liés à la contestation.
Mais le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimmer, assure qu' »il n’y a pas de détenus d’opinion en Algérie ».