Algérie : l’armée dans le viseur du président Bouteflika ?
ANALYSE. Que faut-il comprendre des différents changements opérés ces dernières semaines au sein de l’armée ? À moins d’un an de la présidentielle d’avril 2019, les supputations vont bon train.
Des annonces mais pas de communication officielle
Demain mardi, le vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’armée présidera la cérémonie d’installation du général-major Mohamed Adjroud dans les fonctions du commandant de la 6e région militaire (Tamanerasset). Ce responsable succède ainsi au général-major Meftah Souab qui occupe, depuis samedi 25 août, les fonctions de commandant de la deuxième région militaire à Oran. Lui succédait au général-major Saïd Bey, mis à la retraite.
Jeudi 23 août, le général de corps d’armées Ahmed Gaïd Saleh a procédé à l’installation du nouveau commandant de la première région militaire à Blida, le général-major Ali Sidane. Son prédécesseur, le général-major Habib Chentouf, a été également mis à la retraite, quelques jours plus tôt. Dans son discours prononcé à cette occasion, le vice-ministre de la Défense a évoqué le « principe de passation des fonctions et des postes ».
Le « principe de passation de fonctions » ?
« L’indice de la compétence et le critère du mérite sont le phare qui nous éclaire et nous guide tout au long du droit chemin que nous empruntons, qui vise l’ancrage du principe de passation des fonctions et des postes, à en faire une coutume militaire et une tradition à pérenniser, ouvrant ainsi les opportunités et motivant la ressource humaine, afin de valoriser son capital d’expériences et l’encourager à multiplier les efforts au service de l’Armée nationale populaire », a-t-il déclaré.
Le départ de Habib Chentouf et de Saïd Bey s’inscrit dans une série de changements majeurs au sein de l’armée opérés au cours de ces dernières semaines.
D’autres départs sont à prévoir
Mercredi 22 août, deux autres hauts responsables militaires ont été limogés, selon les informations rapportées par Ennahar TV. Le premier est le général-major Mohamed Tireche qui était à la tête de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA). Il est remplacé par le général Athmane Belmiloud qui était à la tête du Centre principal militaire d’Investigation. Le deuxième est Boumédiène Benattou qui était contrôleur général de l’armée.
Début juillet, des directeurs centraux du ministère de la Défense dont celui des services financiers et celui chargé du service national ont été démis de leurs fonctions. Au sein de l’opinion publique, ces changements suscitent de nombreuses questions d’autant plus qu’ils interviennent à quelques mois seulement de l’élection présidentielle prévue en avril 2019. « Ces changements ne devraient pas susciter autant d’interrogations », assure au Point Afrique Mohamed Khelfaoui, ancien colonel du DRS.
Des changements profonds au sein de l’institution militaire ?
« D’abord, juin, juillet et août, c’est la période des mutations, des mises à la retraite et de l’avancement de grade », explique notre interlocuteur, qui ajoute que les « personnes concernées sont restées longtemps dans leurs postes ». Pour lui, ces changements rentrent « dans une dynamique traditionnelle ». « Lier ces changements aux élections n’a pas de sens. Ce n’est pas logique », affirme Mohamed Khelfaoui.
Mais ces changements « n’obéissent pas à un besoin stratégique ou à un besoin de restructuration », selon Akram Kharief, spécialiste des questions de défense et directeur du site Mena défense. « Quelque part, cela doit être politique. Je ne pense pas que ces changements soient liés à l’affaire de la cocaïne ou à la présidentielle d’avril 2019 », avance Akram Kharief qui voit dans ces limogeages un « changement profond au sein de l’institution militaire ».
Des pistes de réponses émergent
À quoi serait dû ce changement profond ? « Il s’agit soit de rechercher un nouveau consensus à l’intérieur du système autour de la succession, soit de réduire le nombre de personnes qui prendraient part ou qui prétendent jouer un rôle dans le consensus », estime-t-il.
Pour lui, la prochaine élection présidentielle d’avril 2019 ne sera « qu’une étape dans l’agenda du pouvoir ». « Ces changements s’inscrivent dans un cadre plus global. Je m’attends d’ailleurs à ce que ces changements se poursuivent. On a engagé un processus de changement au niveau des régions (militaires). Cela pourrait toucher par la suite les commandements des forces », pense ce spécialiste.