A Marrakech, Abdellatif Laabi met ses mots au repos et expose sa peinture pour la première fois

Narjis Rerhaye (A Rabat)

Quand il peint, dit-il, il ne fait pas d’infidélité à la poésie. Il continue de s’exprimer, pas tout à fait de la même manière ni tout à fait autrement. On connaissait Abdellatif Laabi, le poète à l’engagement chevillé au corps et au combat permanent. Voici que le poète écorché vif nous invite à découvrir une autre palette de son art, la peinture, sa peinture qu’il expose pour la toute première fois du 23 novembre au 21 décembre 2018 à Marrakech, à Matisse Art Gallery.

« Les rencontres, les passions vécues, les périls affrontés, les combats menés » ne sont jamais loin. S’ils habitent les mots de Laabi, ils traversent ses gouaches sur papier et acryliques sur toile. C’est la première fois que le poète expose sa peinture. Il donne une pause aux mots. « Un repos bien mérité », explique l’auteur du « Règne de barbarie » et du « Soleil se meurt ». Il faut bien que les mots se ressourcent, se régénèrent pour mieux vivre et revivre.

Abdellatif Laabi a une histoire avec la peinture. Pendant plus de 50 ans, celui dont l’œuvre poétique intégrale vient d’être publiée au Maroc a fréquenté les peintres. Longtemps il les a regardés travailler. De cette observation est sûrement née sa passion pour la peinture. « L’art de peindre m’était devenu aussi familier, aussi intime que celui de la poésie. Puis un jour (il y a une dizaine d’années de cela), sans savoir pourquoi, j’ai gribouillé sur une feuille de papier ordinaire un premier dessin. Bien vite, je passais au papier à dessin, puis à la toile », écrit Laabi dans le catalogue présentant son exposition.

Alors, la peinture est devenue la nouvelle compagne du poète. Les mots, ses mots, ses vieux compagnons de toujours, s’éclipsent. Le temps d’un croquis, d’un dessin, d’une toile. Très vite Abdellatif Laabi s’est surpris à peindre pendant des heures et des heures. Toujours avec un ravissement indicible. Le poète alchimiste des couleurs évoque une faculté inconnue qui surgissait en lui. Il dit : « je n’avais plus besoin de mes vieux compagnons, les mots. Ma main prenait la relève, mue par le corps tendu tel un arc. L’alchimie des couleurs remplaçait celle de la langue… »

Des ombres, des silhouettes, une farandole de noir et blanc, le monde pictural de Laabi est encore et toujours une quête pour un monde meilleur. Mahi Binebine l’écrivain-peintre, ami de toujours du poète devenu peintre a su cerner les secrets des ombres figées peintes par Laabi. A travers ses toiles, écrit-il, « Abdellatif Laâbi nous entrouvre un monde gouverné par la poésie et la peinture, son monde à lui, tendre, généreux, humain. »

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