A Khartoum, des milliers de manifestants dans les rues pour défendre la « révolution »

A bas" les militaires, scande Hadia au passage d’un convoi des forces de l’ordre à Khartoum. Autour d’elle, arborant des drapeaux soudanais et faisant le V de la victoire, des milliers de personnes ont déferlé dans les rues pour défendre leur "révolution".

A Khartoum et dans plusieurs villes du Soudan, ils sont des dizaines de milliers à avoir répondu à l’appel du principal mouvement de la contestation, pour faire pression sur les généraux au pouvoir et réclamer un pouvoir civil.

Malgré l’important déploiement des redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) et les gaz lacrymogènes, une foule a envahi les avenues de la capitale.

Enveloppés dans de grands drapeaux soudanais, les manifestants ont scandé les slogans de la révolte, au rythme des applaudissements.

Pouvoir "civil, civil", "Révolutionnaires libres nous allons poursuivre notre chemin", ont crié les manifestants, accompagnés par le joyeux tintamarre des klaxons des automobilistes.

Déployés un peu partout, des policiers anti-émeute et les hommes des RSF, près de pick-ups où sont juchées des mitrailleuses.

Dimanche soir, un comité de médecins proche de la contestation a cependant fait état de cinq morts lors des manifestations dans le pays. "Il y a également de nombreux blessés graves touchés par les balles des milices du Conseil militaire", d’après la même source.

Le Conseil militaire a affirmé de son côté que des "snipers" avaient tiré près d’un hôpital militaire d’Omdourman, ville voisine de Khartoum où le comité des médecins a signalé quatre morts.

"Ils ont tiré sur trois paramilitaires des RSF et sur peut-être cinq ou six citoyens", a souligné le général.

"Le pays souffre"

"On veut un gouvernement civil (…) on veut un pays sûr et la prospérité", martèle Hadia Abdel Rahmane, avec sa petite fille d’un an et demie calée contre sa hanche.

Depuis la destitution par l’armée du président Omar el-Béchir en avril, le pays est dirigé par un Conseil militaire de transition, engagé dans un bras de fer avec les contestataires.

"Nos enfants se font tuer dans les rues. On a célébré l’Aïd avec le bruit des balles et le sang des martyrs", lâche Hadia, 29 ans, sa silhouette ronde enveloppée dans un voile traditionnel aux motifs bigarrés.

La fête qui marque la fin du jeûne musulman du ramadan est tombée juste après la dispersion sanglante, le 3 juin, d’un sit-in de manifestants, installé devant le QG de l’armée pour réclamer un pouvoir civil.

Au moins 133 personnes ont été tuées lors de cette opération et durant la répression des jours suivants, selon des médecins proches de la contestation.

Khaled Abdel Karim est venu avec son neveu de quatre ans juché sur les épaules, un drapeau soudanais à la main.

"Ca fait 30 ans que le pays souffre (…) On est là pour que les jeunes générations sachent" ce qui se passe, lance le trentenaire. "On doit ancrer en eux l’amour de la nation".

"Marre des militaires"

Les trajets des cortèges de manifestants sont passés dimanche devant les domiciles des "martyrs" de la répression.

Au milieu de maisons basses, sur une petite place poussiéreuse rebaptisée en l’honneur d’une des victimes, Mahjoub al-Taj, des dizaines de manifestants sont rassemblés autour de sa mère en larmes.

"Oum Mahjoub, nous sommes tous Mahjoub", crient les contestataires.

Ils s’interrompent seulement pour réciter en silence une courte prière à la mémoire du jeune étudiant, tué en décembre lors de violences près de son université.

"Vous êtes tous mes enfants", lâche avec émotion Noura, la mère de Mahjoub, un drapeau soudanais noué sur ses épaules, par dessus son voile traditionnel.

De temps en temps, elle s’interrompt pour laisser échapper un sanglot, ou pour scander des slogans de la contestation avec les manifestants.

Nada Adel, 28 ans, est aussi descendue dans les rues pour réclamer un pouvoir civil.

"On en a marre des militaires. Depuis des décennies ce pays est dirigé par les militaires, ça n’a pas marché et ça ne marchera pas", lance avec force la jeune fille de 28 ans, un voile rose lâchement posé sur ses cheveux, piercing au nez.

"Malgré ce qu’ils ont fait au sit-in, malgré les gens qu’ils ont tués (…), la révolution ne va pas mourir dans les coeurs des jeunes".

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