Quand Manuel Valls marche sur un fil de rasoir!
Lorsque Nicolas Sarkozy occupait le poste de ministre de l’Intérieur, il avait une stratégie bien rodée, celle de créer chaque jour un événement pour être au cœur des médias et donner l’impression d’être à la Une des préoccupations des Français. Ce choix de gestion l’a beaucoup aidé plus tard pour rendre son accession à l’Elysée aussi évidente que naturelle. Aujourd’hui aucun observateur n’hésitera à établir un parallèle entre Nicolas Sarkozy et Manuel Valls. L’actuel ministre de l’Intérieur donne cette vague impression d’être, depuis qu’il a pris les commandes de la place Beauvau, d’avoir entamé une logique de construction de personnage et de légende.
Il faut dire que personne ne contestait la lourde critique que le ministre adressait à l’humoriste devenu au fil du temps selon son expression "un petit entrepreneur de la haine". Ceux qui s’aventuraient à exprimer une réserve sur le fond demandaient à ce qu’il n’y ait plus une hiérarchie de douleurs, de frustrations et des racismes et qui serait selon eux la meilleure manière de vider la posture de Dieudonné de sa substance et de son attractivité.
Mais Manuel Valls a créé des clivages au sein même de sa famille politique lorsqu’il a décidé de recourir à la technique de l’interdiction par anticipation des spectacles de Dieudonné à travers des circulaires édités par son ministère et validés par le gouvernement. De nombreuses voix, notamment de gauche se sont élevées pour dénoncer la sombre séquence dans laquelle une telle démarche introduisait la France, pays des lumières, des droits de l’homme et des libertés. Un tel choix n’est-il pas susceptible d’ouvrir un grand boulevard à tous les liberticides rassemblés souvent en groupe de pression qui courent le pavé français?
L’époustouflante séquence judiciaire que connaît cette affaire entre une justice administrative qui autorise et un conseil d’Etat qui interdit ajoute de la confusion à cette démarche. Il est vrai que Manuel Valls a remporté cette première manche en affirmant que la République a gagné. Mais hélas, il n’est pas certain que le perdant dans cette affaire soit celui qu’on croit. Dieudonné, qui avait jusqu’à l’explosion de cette affaire une audience de niche relativement confidentielle, est en train d’acquérir une popularité internationale qu’il peut mettre à profit pour développer "sa petite entreprise". Sans parler du risque déjà prouvé de le transformer en icône et en symbole de malaise et de frustrations.
En montant au créneau avec cette détermination, Manuel Valls avait pris un grand risque, celui de se voir désavouer par une partie de la majorité dont certains sont motivés par le désir de stopper son ascension et par une opposition de droite à l’affût de la moindre dissonance pour stigmatiser la gouvernance de François Hollande. Il est vrai que le conseil d’Etat est venu clôturer momentanément ce bras de fer entre Valls et Dieudonné en faveur du ministre de l’Intérieur, et par conséquent rajouter une strate supplémentaire à cette construction de parcours et de légende qui se déploie en arrière plan de cette bataille.
La gestion de cette affaire Dieudonné par Manuel Valls et le gouvernent de Jean Marc Ayrault a de fortes chances de se payer Cash dans l’opinion. Les séquences électorales à venir qu’elles soient municipales ou européennes seront à n’en pas douter des caisses de résonances de cette démarche. Ou l’opinion accrédite Valls de cet engagement à lutter sans merci contre les semeurs de haines et donc lui garantie un piédestal mérité et une précieuse rampe de lancement vers d’autres cieux encore plus brillant, ou elle le sanctionne d’avoir voulu jouer au sorcier de dimanche avec un des principes fondateurs de la démocratie française qu’invoquent les avocats de Dieudonné, le sacré principe de liberté d’expression et de création.