L’échec de samedi dernier fut double. Politique d’abord car Emmanuel Macron et son équipe ont failli dans l’anticipation d’une telle poussée de fièvre. Il faut dire qu’ils étaient encouragés dans cette entreprise par les performances réalisées en début de mandat. Des chantiers durs, voire imprenables comme le code du travail ou le Mammouth SNCF ont été pris d’assaut sans grande résistance. Les syndicats qui devaient encadrer la colère ont chuté comme un château de cartes.
Ce nouveau rapport de forces avait pavé devant Emmanuel Macron un boulevard pour entamer des réformes les plus impopulaires. Le Pari alors est que les français, en tout cas la majorité silencieuse, validait ses choix et supportait le président et son équipe dans toutes les démarches réformatrices. Ce que certains avait qualifié de myopie ou d’autisme de la part de l’équipe dirigeante ont été à l’origine de ce ratage d’une colère sourde qui gronde dans le pays, d’une frustration immense qui montait des ses profonds entrailles et qui avait trouvé dans les réseaux sociaux un théâtre de déflagration avant d’exploser dans l’anarchie et la violence sur les Champs Elysées.
L’échec fut aussi sécuritaire. Deux samedi de suite, les forces de l’ordre furent manifestement dépassé dans l’organisation et l’encadrement des manifestations. Était-ce le fruit d’une stratégie confuse dans la gestion des ressources humaines de la police? Des consignes qui manquent de clarté dans la gestion des contacts avec les groupes les plus radicalisés? En tout cas justes après le spectacle désolant du second samedi noir où des biens privés et des symboles de la République ont été piétinés, des langues au sein des forces de polices ont commencé à se délier pour dénoncer le manque de moyens en hommes et en matériel pour affronter des groupes de causeurs aussi déterminés.
Après une longue hésitation, le gouvernement a fini par annoncer l’annulation de ces fameuses taxes qui ont déclenché l’ire des français. Trop tard disent certains pour désamorcer la colère des gilets jaunes travaillés par des forces contradictoires. Entre ceux qui veulent négocier avec le gouvernement et ceux qui rêvent de lui faire poser les deux genoux à terre, la confusion est totale. Devant cet échec de persuasion, Emmanuel Macron a choisi de jouer la carte de la dramatisation. Sa nouvelle communication consiste à anticiper et alerter l’opinion françaises sur les risques de violences extrêmes qui peuvent entacher le troisième samedi noir des gilets jaunes. Il a demandé aux partis politiques et aux syndicats d’adresser un appel au calme et à la responsabilité et de n pas jeter l’huile sur le feu. L’espoir du président de la république est que les français ne puissent pas descendre en masse dans la rue, ce qui faciliterait le traitement sécuritaire des groupes de casseurs, isolés et sans légitimité, faciles à dégommer sans devoir payer le prix politique d’un éventuelle casse.
Le 8 décembre est un jour à très hauts risques pour Emmanuel Macron et son mandat. De nouvelles scènes de violences avec leurs possibles cortèges des victimes est de nature à l’acculer à prendre des décisions extrêmes. Et même si une partie des gilets jaunes a élaboré des slogans sur la démission de président de la république et sur la nécessité de dissoudre l’assemblée nationale, demande opportunément et bruyamment relayée par Marine Le Pen du Rassemblement National et Jean Luc Mélenchon de la France insoumise, celui qui se trouve actuellement sur un siège hautement éjectable est le premier ministre Édouard Philippe. Au sein du parti présidentiel, la grogne commence à monter contre lui.
Depuis qu’il a été nommé à Matignon, il n’est jamais monté au créneau pour affronter la crise. Il s’est contenté de la gérer comme un super comptable sans humeurs et sans états d’âmes. Il est devenu le fusible idéal pour déverrouiller la tension et espérer convaincre les porteurs des gilets jaunes de les ranger dans le coffre de leurs véhicules.