Report d’un an, puis désistement des deux pays hôtes. Délocalisation controversée au Brésil puis un processus en justice et enfin retrait de trois des principaux sponsors. La Copa Aerica aura vécu tous les rebondissements possibles et imaginaires avant de se trouver un refuge grâce à l’appui du président brésilien au grand dam d’une partie de son opinion publique.
La 47è Copa America pourra bien se dérouler au Brésil, car les gouvernements régionaux sont seuls habilités, conformément à la Constitution, à décider des mesures de prévention contre le Covid, tranchait jeudi la Cour suprême qui a examiné deux recours introduits par des partis de gauche et le syndicat des métallurgistes contre la tenue de la coupe sud-américaine des nations.
Jamais auparavant la Copa America n’a été aussi impopulaire et si controversée. Selon un sondage réalisé par le magazine Exame et l’institut Ideia, 61% des Brésiliens seraient contre la tenue au Brésil de ce tournoi, reporté l’année dernière en raison de la pandémie. Seuls 24% se sont dits favorables.
Les joueurs mêmes de la Selecao, comme de nombreuses autres équipes, se sont exprimés contre l’organisation de la plus ancienne des coupes des nations dans leur pays, assurant néanmoins de leur disposition à la disputer de peur que cette question ne soit politisée davantage. « Nous sommes contre l’organisation de la Copa América, mais nous ne dirons jamais non à l’équipe brésilienne », ont-ils déclaré.
Dans la foulée, des rumeurs circulaient sur un éventuel départ de l’entraîneur du onze brésilien Tite, en pleine discorde avec la CBF, la fédération brésilienne.
Dans le pays où près d’un demi-million de personnes sont décédées du coronavirus, avec une moyenne de près de 2.000 morts quotidiens ces dernières semaines, sans parler de la menace d’une 3è vague qui plane encore, la Copa America est loin de faire l’unanimité. Sur les réseaux sociaux, les détracteurs la surnomme Copavirus ou Copa de la discorde, alors que les partisans du président Jair Bolsonaro s’en étaient pris aux joueurs après les rumeurs dans la presse sur un éventuel boycott.
Mais le show débutera bel et bien dimanche au stade Mané Garrincha de Brasilia avec le match entre le Brésil et le Venezuela après deux semaines convulsives. La Confédération sud-américaine n’a poussé un souffle de soulagement que jeudi dernier après que la Cour suprême a levé les doutes.
La plus haute autorité du football sud-américain a été déterminée à mener à bien cette Copa América, même avec le désistement de la Colombie et de l’Argentine, la première en raison des protestations sociales et la seconde à cause de la situation critique de ses hôpitaux, qui ne diffère d’ailleurs pas trop du Brésil.
La délocalisation, cousue dans la précipitation et moins de deux semaines avant le coup d’envoi de la compétition, a suscité une énorme indignation dans les secteurs politiques, notamment de gauche et du centre, en passant par les experts en santé publique.
Dans les quatre villes qui abritent le tournoi, le système public de santé continue d’être fortement mis sous pression par le coronavirus. A Rio de Janeiro, par exemple, où se joueront huit matchs, dont la finale, près de 90 % des lits de soins intensifs sont occupés.
Le directeur des urgences sanitaires de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), Ciro Ugarte, a conseillé aux pays qui accueillent des événements avec un grand nombre de personnes dans la région des Amériques de les « reconsidérer ou de les reporter ».
Mais le ministre de la Santé, Marcelo Queiroga, a souligné lui que le tournoi ne présente pas de risque « supplémentaire », rappelant que d’autres compétitions internationales se jouent déjà, comme les Coupes Libertadores et Sudamericana, outre les qualifications pour le mondial Qatar-2022.
Et comme si toutes ces discordes n’étaient pas suffisantes, entre mercredi et jeudi, la Copa América a perdu trois sponsors importants, Mastercard, Ambev et Diageo, qui ont décidé de s’abstenir d’exposer leurs marques dans cette édition. Aucune des trois sociétés n’a souhaité associer son image à celle déjà surnommée « Covid America ».
Avec tous ces obstacles dégagés, la Copa América débutera dimanche avec les dix équipes sud-américaines réparties en deux pools : le groupe A qui comprend l’Argentine, la Bolivie, le Chili, le Paraguay et l’Uruguay et le groupe B avec Brésil, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela.
La Copa America (13 juin – 10 juillet), qui se déroulera dans les villes de Brasília, Goiânia, Cuiabá et Rio de Janeiro, promet, abstraction faite de cette longue saga polémique, d’offrir au monde le spectacle et les émotions qui ont fait du tournoi l’un des événements phares après la coupe du monde et un reflet d’un continent passionné pour le ballon rond.