Amnesty International dénonce les atteintes aux droits humains et aux libertés d’expression en Algérie
« Cette année encore, les autorités ont arrêté et poursuivi en justice des manifestant·e·s pacifiques, des journalistes, des militant·e·s et des citoyen·ne·s qui n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, dans le cadre du mouvement de protestation de grande ampleur connu sous le nom de Hirak », a affirmé Amnesty International dans son rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde en 2020/21.
Lors d’une conférence de presse, la directrice d’Amnesty Algérie, Hassina Oussedik a relevé que les mesures anti-Covid prises par les autorités algériennes ont « aggravé » les violations des droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne « les atteintes aux libertés fondamentales et les violences à l’encontre des femmes ».
Elle a souligné que toutes les personnes détenues simplement pour avoir exprimé leurs opinions pacifiquement doivent être libérées immédiatement et sans condition.
Les autorités algériennes doivent rompre avec leurs pratiques répressives en matière de libertés fondamentales et réformer la législation nationale afin de garantir une justice indépendante et équitable pour toutes et tous, a insisté Oussedik.
Selon elle, de nouvelles mesures législatives ont encore restreint les droits à la liberté d’expression et d’association, en instaurant de lourdes sanctions pénales pour la diffusion de « fausses nouvelles » et pour le fait de recevoir certains types de financements provenant de l’étranger.
L’ONG internationale a dénoncé les pouvoirs publics algériens pour avoir utilisé la pandémie de COVID-19 comme prétexte pour multiplier les arrestations de militants, de journalistes et de blogueurs et blogueuses qui critiquaient les autorités en ligne, s’appuyant dans la plupart des cas sur des dispositions du Code pénal pour engager des poursuites à leur encontre.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 a aggravé les violations aux droits humains, intensifié les atteintes à la liberté d’expression, multiplié la répression contre les manifestants pacifiques et creusé les inégalités sociales en Algérie, a-t-elle dénoncé.
Au volet de l’indépendance de la justice, Amnesty International a affirmé que la nouvelle Constitution ne supprimait pas le contrôle de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire et ne garantissait toujours pas l’indépendance de la justice, citant à cet égard le cas du procureur ayant fait l’objet d’une mutation après avoir plaidé en faveur l’acquittement de seize manifestants pacifiques.
Pour l’ONG internationale, la nouvelle constitution algérienne « ne répond pas aux normes internationales et régionales des droits humains, dont certaines dispositions sont incompatibles avec les obligations internationales qui incombent à l’Algérie aux termes de la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et du pacte international relatif aux droits civils et politiques ».
Si la conférencière a évoqué la libération de plusieurs détenus d’opinion en février dernier, d’autres détenus d’opinion continuent, cependant, de croupir en prison pour avoir exprimé leur opinion, notamment sur les réseaux sociaux.
« Du 19 au 25 février 2021, 59 personnes arrêtées arbitrairement pour avoir exprimé leurs opinions ou manifesté pacifiquement ont été libérées. D’autres sont encore en détention uniquement pour avoir participé au Hirak ou pour des publications sur les réseaux sociaux critiquant les autorités », a précisé Oussedik.
La directrice d’AI Algérie s’est également attardée sur les allégations de torture et autres mauvais traitements qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines non sans provoquer un tollé au sein de l’opinion publique.
L’ONG dit avoir recueilli des informations concernant les cas d’au moins trois militants arrêtés et placés en détention qui « auraient été torturés ou auraient subi de mauvais traitements ».
Sur cette question, Oussedik a appelé les autorités à rendre les conclusions des enquêtes sur ces cas et que soient traduits devant la justice les auteurs présumés.
« Les autorités doivent veiller à ce que des enquêtes impartiales et indépendantes soient menées sur toutes les allégations de torture et d’autres mauvais traitements, que leurs conclusions soient rendues publiques et que les auteurs présumés de ces actes soient traduits en justice », a-t-elle insisté.
Elle somme, également, les autorités à rendre les conclusions des enquêtes sur les circonstances de la mort de Mohamed Tamalt, de Kamel Eddine Fekhar et de Ramzi Yettou.
« A notre connaissance, à ce jour, aucune conclusion n’a été rendue publique », a regretté Hassina Oussedik.
Au chapitre de la liberté de la presse, le document d’AI a relevé plusieurs atteintes, notamment le blocage de l’accès à plusieurs sites d’information, en 2020, ayant publié des articles sur la pandémie de Covid-19 et les manifestations pacifiques.
« Des journalistes ont également été arrêtés pour avoir couvert des manifestations pacifiques », note le rapport, qui rappelle l’obligation des autorités à « protéger la liberté de la presse et permettre aux journalistes de faire leur travail de façon indépendante, sans aucune entrave ou intimidation ».
Durant l’année 2020, la pandémie de Covid-19 a aggravé les risques déjà importants auxquels se heurtent de nombreuses femmes en Algérie, regrette la directrice d’AI Algérie, en rappelant qu’au moins 54 féminicides ont eu lieu en 2020 et 14 depuis le début de l’année 2021.
« Au moins 6.782 femmes ont été victimes de violences en 2020, selon les chiffres de la Police judiciaire. Les organisations de défense des droits des femmes ont souligné que les statistiques officielles sur les cas de violences contre les femmes étaient largement en dessous de la réalité », a estimé le rapport, qui a appelé le gouvernement à « agir de toute urgence » pour renforcer les services d’aide aux femmes victimes de violences.