Q : En tant que fervent défenseur de l’enseignement de la Langue arabe, quelle appréciation faites-vous de cette décision ? Quelles en seront les bénéfices ? Pour la communauté arabe installée en France ? Pour les Français désireux d’apprendre cette langue millénaire ?
Jack Lang : Je salue cette décision qui contribue à donner à la langue arabe une place réelle dans l’enseignement en France. Elle fait partie intégrante de l’Histoire de notre pays. L’arabe, au même titre que l’anglais ou l’allemand, doit bénéficier d’un enseignement public et laïc.
Les premiers bénéficiaires de cette mesure sont l’ensemble des apprenants de la langue arabe, qui auront accès à un enseignement de qualité, au sein de leurs établissements scolaires.
Seulement un enfant sur mille étudie l’arabe en primaire, et deux sur mille au collège. Cette tendance s’inverse dans l’enseignement supérieur, où l’apprentissage de l’arabe est plus largement proposé et ce dans des établissements réputés.
Cette réforme est un grand pas dans notre démarche de démocratisation de la langue arabe. L’arabe est la langue d’une civilisation d’une incroyable richesse et diversité.
Cette diversité est célébrée par le Royaume du Maroc, qui définit son unité dans le préambule de sa Constitution, comme étant « forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie » et s’est « nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ».
À l’IMA, nous travaillons à promouvoir les mille et unes couleurs du monde arabe et de sa langue en offrant la possibilité à nos apprenants d’un enseignement des différents dialectes, de la darija marocaine aux dialectes levantins.
De même, le Maroc encourage le plurilinguisme, et je remercie chaleureusement le royaume et en particulier Sa Majesté le roi Mohammed VI pour son engagement en faveur de l’enseignement de la langue française au Maroc, de la langue arabe en France et pour son attachement à la diversité des cultures et des langues.
Q : Dans votre livre « La langue arabe, trésor de France », vous plaidez pour un enseignement de la langue arabe en France dans le cadre scolaire. Alors que la France est en plein débat sur la lutte contre le séparatisme, pensez-vous, en tant qu’ancien ministre de la Culture, que l’enseignement de cette langue pourra contribuer à promouvoir la connaissance de l’autre et à abattre les préjugés ? Pourra-t-on voir un jour, en France, un engouement pour la langue arabe similaire à celui que connaissent d’autres langues ?
L’ambition de mon livre est de faire connaître la richesse de la langue arabe aux français ! Elle est une langue de culture, de commerce, de sciences. C’est aussi la langue de la jeunesse puisqu’elle est une des langues les plus utilisées sur les réseaux sociaux !
Pour redonner à la langue arabe sa pleine dignité mondiale, l’IMA a lancé la première certification de maîtrise de la langue arabe, le CIMA, qui fait office de TOEFL de la langue arabe. Il est aujourd’hui possible de passer cette certification dans plusieurs pays européens et dans le monde arabe également.
En promouvant les merveilleuses cultures arabes, nous pouvons renforcer cet intérêt indéniable pour la langue arabe que nous observons aujourd’hui. À titre d’exemple, l’allemand est resté une langue reine des années durant, et ce grâce à l’action des pouvoirs publics. Aujourd’hui, cependant, on remarque que son apprentissage diminue.
C’est l’engouement pour la culture allemande qui a permis une passion nouvelle pour cette langue avec, par exemple, l’arrivée de groupes allemands très populaires. On se rappelle le renouveau de l’enseignement de l’allemand avec Tokio Hotel il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, suite à la vague de la K-Pop, c’est le coréen qui connait un réel succès dans les écoles, et la demande augmente.
Si l’arabe reste la langue du Coran, elle est avant tout celle d’Avicenne, de Mahmoud Darwich, et aujourd’hui de Manal Benchlikha ou d’Ouenza, dont je salue le talent ! Je reste convaincu qu’en poursuivant la promotion de la culture de cette formidable région, l’engouement de notre jeunesse pour la langue arabe, déjà présent, suivra.
Q : Vous vous faites un honneur à l’IMA de fêter chaque année la langue arabe et ce à l’occasion de la Journée mondiale de la langue arabe, instaurée par l’UNESCO en 2012. Cette langue, la 5e me langue la plus pratiquée au monde, est aussi enseignée à l’Institut, une manière de la faire découvrir et de s’ouvrir a la culture d’une immense richesse a laquelle elle donne accès. L’IMA a également lancé en 2019, le Certificat International de Maîtrise en Arabe, première certification en arabe moderne standard reconnue en France, en Europe et dans le monde arabe. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La certification en langue arabe s’inscrit dans le cadre de la mission de l’IMA, qui vise à faire connaître la langue et la culture arabes en France et dans le monde. Outre la valorisation de la langue, CIMA répond à une vraie demande, à une époque où la certification dans tous les domaines devient impérative, et pour une langue mondiale, l’arabe, où peu de certifications d’envergure ont vu le jour jusqu’à présent. Le Certificat International de Maîtrise en Arabe ou CIMA est en effet le premier certificat en langue arabe internationalement reconnu.
C’est la première fois qu’un certificat rigoureux, validé scientifiquement, permet à la fois d’attester de la capacité à communiquer en arabe, et de valoriser son enseignement, voire de modéliser et de moderniser cet enseignement à plus long terme par une approche communicative fondée sur les dernières études pédagogiques.
Le CIMA évalue l’arabe moderne standard selon les 6 niveaux (A1, A2, B1, B2, C1 et C2) du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL), qui est une échelle d’évaluation valable pour toutes les langues. CIMA est destiné à tous publics à partir de 15 ans, d’étudiants mais aussi de professionnels. Par le biais de CIMA, l’Institut du monde arabe est membre associé d’ALTE, l’Association qui regroupe en Europe tous les organismes certificateurs en langues.