« Danseuse, prisonnière, mère, chanteuse, sainte, pute, espionne, militante… », Madonna est tout cela à la fois et bien plus encore dans son show le plus intimiste, engagé et probablement ambitieux de sa carrière, en résidence au Grand Rex à Paris à partir de samedi.
Les douze représentations prévues à Paris boucleront ce « Madame X Tour » entamé à New York en septembre, passé par Chicago, San Francisco, Las Vegas, Los Angeles, Boston, Philadelphie, Miami, Lisbonne (qui lui a inspiré son dernier album), Londres, et qui voit la plus grande star pop féminine de ces 35 dernières années remettre son titre en jeu avec un certain panache.
Dans l’écrin art-déco du Wiltern Theatre de Los Angeles, où l’AFP a assisté à un de ces concerts, Madonna s’est d’abord faite désirer, entrant sur scène sur les coups de 23h00 au lieu de 20h30 comme annoncé. Si ses fans ont pris l’habitude de ce manque de ponctualité et lui pardonnent, un spectateur n’a pas hésité à porter plainte contre elle pour retard.
« Voici quelque chose que vous devez tous comprendre. Une reine n’est jamais en retard », a-t-elle répliqué au Caesar’s Palace de Las Vegas.
« Une reine », qui a décidé à 61 ans de se refaire une virginité scénique, en délaissant pour la première fois stades et autres enceintes démesurées où on ne pouvait vraiment la voir que sur écrans géants, pour se rapprocher de son public et se produire sans filet – mais avec comme toujours une garde-robe signée Jean-Paul Gaultier.
Une prise de risque payante. Ses fans qui se seront inquiétés de récentes sorties ratées, comme sa prestation à l’Eurovision où elle avait chanté terriblement faux, peuvent être rassurés: sa voix s’est quelque peu ajustée, l’autotune, auquel elle a souvent recours pour les titres de son dernier album, aussi.
Dans une setlist en cinq actes et autant de tableaux visuels que d’esthétiques musicales, qui laisse peu de place aux changements, Madonna a décidé de défendre les chansons de « Madame X » en interprétant douze des quinze morceaux y figurant. Un parti pris là aussi osé, compte tenu du fait que son public vient surtout pour entendre les nombreux gros tubes qui jalonnent sa discographie.
– De la culotte au polaroïd –
Ceux qui espèrent un revival 80’s ou 90’s seront probablement insatisfaits, mais leur idole n’en est pas encore à regarder dans le rétroviseur. Mêlant chant, danse, one woman show, revue pop, elle fait preuve d’une réelle proposition artistique, tout en étant en constante interaction avec son auditoire.
Maîtresse de cérémonie autant que SM, elle joue avec le public, lui fait monter la température et redescendre aussitôt, le cajole et le pince quand bon lui semble, lui rappelle ses combats, sa condition de femme libre, engagée et s’amuse aussi souvent à lui parler comme un charretier, le tout avec un naturel déroutant. Madonna comme on la décrit en vrai, en somme.
En 1987, au parc de Sceaux, elle avait jeté sa culotte dans le public, laquelle avait atterri selon la légende sur Jacques Chirac. En 2019, son sens de la provocation est à la mesure de son statut de « queen of pop »: elle vend aux fortunés du premier rang un selfie pris avec un polaroïd, dont elle aura pris soin de frotter le film entre ses cuisses, histoire d’en augmenter la valeur.
A ce titre, sa performance est aussi physique. Il convient de le mentionner puisque nombreux sont ses détracteurs à lui reprocher de vouloir rester un sex-symbol à un âge où on n’aurait que le droit d’être grand-mère, d’être trop vieille pour se déhancher sur scène en tenue légère ou enchaîner les poses suggestives.
Au final, la « rebelle » impressionne par ses prouesses relevant autant de la danse que de la gymnastique et ce même si ses efforts ont eu pour conséquences de l’affaiblir à plusieurs reprises durant sa tournée, son corps souffrant l’ayant forcée à annuler certaines dates.
Dans son show d’environ deux heures et demie, interdit aux téléphones portables, Madonna fait se culbuter sexe, politique, religion, féminisme, hédonisme quitte à parfois trop charger la barque, en suivant le précepte de l’écrivain noir et homosexuel James Baldwin, qu’elle cite en préambule et en conclusion: « les artistes sont là pour troubler la paix ».
Ce que Madonna s’est toujours employée à faire au fond. Mais jamais en étant si près des gens.