C’est l’idiotie médiatique, la complaisance si l’on préfère, le piège permanent. Bien au-delà du FN, la question des médias, si souvent posée en lassitude façon Rocard, en colère façon Bayrou, en violence comme Mélenchon, est politique. Elle dépasse les possibles agressions du pouvoir. Elle est en nous, dans nos facilités. On y pensait en regardant le G20, et notre tentation de ramener la régulation du monde à nos petites affaires, comme si la guerre des monnaies, le duel sino-américain, n’étaient que l’avant-goût de 2012, un décor pour le couple Sarkozy-DSK. On y pensait dans cette séquence du remaniement, où les médias ont été complices et victimes, malaxant des rumeurs jusqu’à l’écœurement. On y pensait en voyant les dilemmes socialistes ramenés à l’affrontement convenu des radicaux et des réformistes, comme si la tension entre la crise sociale et la faillite économique n’était qu’une distraction politicienne. On y pense à chaque moment d’écriture, à chaque débat, quand la rapidité nourrit la confusion.
On y pensait en regardant Eva Joly se faire tailler en pièces sur France 2 par une Nadine Morano ne prenant aucun risque, puisqu’elle n’avait d’autre mission que de combattre. "Populisme", scandait Morano, et Eva Joly s’embourbait dans son programme révolutionnaire, conditionnant l’écologie à l’antilibéralisme, impossible à résumer dans le brouhaha. Eva Joly n’est pas incontestable, elle mérite qu’on la dispute, et qu’on l’interroge, comme Aubry, comme Strauss-Kahn, comme Sarkozy ou quiconque veut saisir les Français. Mais souvent les médias interdisent la politique
en prétendant la servir.