C’est la première fois qu’une telle résolution est adoptée en séance plénière d’une des chambres du Congrès à Washington.
Appelant à "commémorer le génocide arménien", à "rejeter les tentatives (…) d’associer le gouvernement américain à la négation du génocide arménien" et à éduquer sur ces faits, ce texte non-contraignant a été adopté par l’écrasante majorité de 405 voix sur 435, avec une rare union entre démocrates et républicains, et seulement onze voix contre.
Le résultat du vote a été accueilli par des applaudissements dans l’hémicycle.
Le ministère turc des Affaires étrangères a immédiatement "condamné fortement" cet "acte politique dénué de sens", assurant qu’il a pour "seuls destinataires le lobby arménien et les groupes anti-turcs".
La Turquie a également convoqué mercredi l’ambassadeur américain à Ankara pour protester contre cette décision.
De son côté, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a "salué un vote historique", jugeant, dans un message sur Twitter, que cette résolution "est un pas audacieux vers la vérité et la justice historique qui offre également un réconfort à des millions de descendants des survivants du génocide arménien".
‘Vote résolu et impressionnant’
M. Pachinian a également fait part de son "admiration pour des générations d’Arméniens et d’Américains d’origine arménienne dont l’activisme désintéressé et la persévérance ont été le moteur" derrière ce vote.
"L’Arménie remercie profondément les membres de la Chambre des représentants pour leur vote résolu et impressionnant", a renchéri la diplomatie arménienne, dans un communiqué.
Ce sentiment était largement partagé par des Arméniens dans les rues d’Erevan, la capitale. "Je suis si heureux que les Etats-Unis aient finalement reconnu le génocide", a confié à l’AFP le cordonnier Korioun Hakobian, 69 ans.
Le génocide arménien est reconnu par une trentaine de pays et la communauté des historiens. Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5 million d’Arméniens ont été tués pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l’Empire ottoman, alors allié à Allemagne et à l’Autriche-Hongrie.
Mais la Turquie refuse l’utilisation du terme "génocide", évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps.
"Aujourd’hui, nous disons clairement, dans cet hémicycle, afin que ce soit gravé dans le marbre des annales du Congrès: les actes barbares commis contre le peuple arménien constituent un génocide", a lancé la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi.
La star américaine de téléréalité Kim Kardashian avait appelé sur Twitter le Congrès à "passer à l’acte". Selon les estimations, entre 500.000 et 1,5 million d’Américains ont, comme elle, des origines arméniennes.
Sanctions contre Ankara
En avril 2017, peu après son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump avait qualifié le massacre des Arméniens en 1915 d’"une des pires atrocités de masse du XXe siècle", bien qu’il se soit gardé d’employer le terme "génocide".
Avant d’être élu en 2008, son prédécesseur Barack Obama s’était lui engagé à reconnaître le génocide, mais il n’avait finalement jamais employé ce terme durant ses deux mandats.
Ce vote est intervenu le jour de la fête nationale turque, alors que les relations entre Washington et Ankara, alliés au sein de l’Otan, traversent de fortes tensions.
Le président Trump a laissé le champ libre à une offensive turque en Syrie contre les combattants kurdes, pourtant également alliés des Etats-Unis, en retirant ses forces du nord du pays début octobre.
Cette décision a suscité un tollé au sein de la classe politique américaine, jusque dans le camp républicain du locataire de la Maison Blanche, dont des élus ont menacé d’imposer des sanctions "infernales" à la Turquie.
Face à la pression, le gouvernement américain a annoncé des mesures punitives, plus modestes, avant de les lever à la faveur d’un cessez-le-feu négocié avec Ankara en Syrie.
Dans la foulée du vote sur le génocide arménien, la Chambre des représentants a aussi adopté mardi à la quasi-unanimité un texte prévoyant des sanctions contre des responsables turcs en lien avec l’offensive en Syrie, ainsi qu’une banque turque.
Mais cette proposition de loi doit encore être approuvée par le Sénat, la chambre haute du Congrès, pour devenir effective.