Même si la gestualité dramatisante sentait le coup de communication préparé, les mots utilisés pour souligner le divorce entre ces musulmans de France et Nicolas Sarkozy éclairent l’ampleur inédite du fossé et donc du désamour qui les séparent dorénavant. Enjeu de cette soudaine montée d’adrénaline, le débat sur l’Islam, devenu après débat sur la laïcité que Nicolas Sarkozy et l’UMP de Jean François Copé veulent organiser. Ce débat est perçu par ces musulmans de France d’abord comme un instrument stigmatisant de la seconde religion de France, ensuite comme une tentative effrénée de séduire l’extrême droite dont l’icône Marine Le Pen caracole allégrement dans les sondages.
Et pourtant entre les musulmans de France et Nicolas Sarkozy, la vie aura été lune de miel sans nuages. Leurs structures représentatives comme le Conseil Français du Culte Musulman ( CFCM) que préside le franco marocain Mohamed Moussaoui, la tentative d’organiser le culte musulman doivent énormément à Nicolas Sarkozy alors ministre de l’intérieur. Son activisme et son engagement sur ces questions sensibles auront été décisifs pour trouver des solutions concrètes là où les gouvernements successifs de la gauche s’étaient contentés de vœux pieux et de promesses chimériques.
Cette relation filiale est si évidente que lorsque ses détracteurs l’accusent d’inscrire son action dans une entreprise qui focalise une attention malsaine sur l’Islam, Nicolas Sarkozy met ces réalisations en avant comme un trophée censé l’absoudre de toute suspicion. Son entourage ajoute à cet argumentaire de défense le fait que Nicolas Sarkozy soit le premier président de la république à avoir confié un ministre régalien à une Française d’origine algéro-marocaine, de confession musulmane, Rachida Dati. De même qu’il avait nommé au gouvernement Rama Yade, d’origine sénégalaise et de confession musulmane.
Même si sondeurs et politiques sont unanimes à considérer qu’il n’y a pas encore en France « un vote musulman » organisé susceptible de peser sur les équilibres d’une balance électorale, cette rébellion des musulmans de l’UMP n’est pas forcément une bonne affaire pour Nicolas Sarkozy par ces temps de défiance qu’il rencontre un peu partout. Les optimismes forcenés de son premier cercle peuvent toujours voir dans cette révolte des musulmans de l’UMP un de nombreux gages de fermeté que Nicolas Sarkozy peut donner à une opinion de plus en plus tentée par les sirènes de Marine Le Pen.
Mais les réalistes de la droite constateront très vite qu’au lieu de rassembler toutes les composantes, Nicolas Sarkozy clive sa propre famille et nourrit en son sein des forces qui peuvent la diviser et l’affaiblir. Il n’est pas besoin d’être un grand devin pour imaginer que ces musulmans de l’UMP, allergiques par réflexe à la gauche, se jetteront, par dépit ou par revanche, dans les bras accueillant d’un homme comme Dominique De Villepin.