La France veut » européaniser » son effort au Mali
Paris souhaite l’envoi d’une mission européenne de formation des forces maliennes
L’objectif : remédier à l’extrême faiblesse de l’armée malienne en formant, en quelques mois, quatre à six bataillons, qui seraient ensuite susceptibles de mener une éventuelle opération de reconquête du Nord du pays, tenu par des groupes islamistes en lien avec Al-Qaida. La mission compterait plusieurs centaines d’instructeurs européens, que Paris aimerait voir dépêchés rapidement à Bamako.
L’idée française est de s’inspirer de ce qui a été fait par l’UE pour la Somalie : une mission d’instruction des forces gouvernementales pour aider à la reprise des zones contrôlées par les milices islamistes Al-Chahab. L’initiative " EUTM Somalie ", lancée en avril 2010 et placée sous un commandement espagnol, a été conçue pour venir en appui à l’Amisom, la force de l’Union africaine en Somalie. La mission européenne au Mali aurait pour but de soutenir l’effort de la Cédéao, l’organisation régionale ouest-africaine, qui poursuit ses préparatifs pour le déploiement d’une force d’environ 3 300 soldats.
L’UE pourrait aussi, espère-t-on à Paris, lancer au Mali une " mission civile " inspirée de l’opération européenne " Eucap " existant au Niger : une quarantaine d’instructeurs européens y forment des policiers. L’initiative pourrait être étendue au Mali et à la Mauritanie.
La France poursuit ses efforts diplomatiques à l’ONU pour obtenir le sésame indispensable aux deux volets, force africaine et mission européenne : le vote d’une résolution du Conseil de sécurité. Or les Etats-Unis semblent s’interroger sur le bien fondé d’une intervention en appui à un pouvoir malien dont la légitimité démocratique, depuis le putsch du mois de mars, est sujette à caution.
Dominante franco-britannique
Les responsables français avaient jusqu’à présent peu valorisé l’Union européenne comme acteur sur le Sahel, alors que les Vingt-Sept ont élaboré une " stratégie " pour cette région voici plus d’un an, c’est-à-dire bien avant la perte de contrôle du nord du Mali. Il est vrai que cette " approche globale " européenne, alliant aspects sécuritaires, développement économique, et gouvernance, a peiné à se traduire dans les faits.
Les officiels français considèrent que le projet de mission militaire européenne au Mali est en bonne voie. Lundi 1er octobre, le sujet a été évoqué lors d’une rencontre entre les ministres allemands et français des affaires étrangères et de la défense, tenue à Müllheim. L’appui de Berlin semble acquis, mais, en parlant d’un " soutien logistique " et en excluant " une intervention militaire de combat ", le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle a clairement signifié que son pays n’enverrait aucun soldat sur le terrain, même simple instructeur.
On mentionne, côté français, un " intérêt " des Espagnols et des Italiens, sensibles aux problèmes de migration et de trafics en provenance du Sahel et de l’Afrique du Nord, à prendre part à la mission. On rappelle aussi que des Suédois et des Polonais s’étaient joints, en 2008-2009, à l’opération européenne " Eufor " au Tchad. Mais d’autres sources européennes sont plus dubitatives. Les pays nordiques hésitent devant la fragilité de l’attelage institutionnel et politique à Bamako. La mission, si elle est créée, sera probablement à dominante franco-britannique.