Vers un duel Sarkozy – DSK
Officiellement, Nicolas Sarkozy entretient le doute : il ne décidera s’il se représente qu’à la rentrée 2011. En petit comité, il fait moins de mystère. Devant les députés UMP qu’il recevait hier à huis clos, il a laissé entendre que la campagne présidentielle débuterait une fois votées les réformes des retraites et de la dépendance.
Autre signe que Sarkozy songe à 2012, il a encore rencontré, lundi, les donateurs de l’UMP qui pourraient financer sa campagne (lire ci-dessous).
Alors qu’il fête aujourd’hui les trois ans de son élection, il défend son bilan. L’Elysée a publié un livret de 50 pages vantant son action depuis 2007, que tous les députés UMP ont reçu hier en cadeau. Sarkozy sait pourtant que sa réélection n’est pas acquise, tant le désamour des Français est grand. « Il y a un risque qu’il perde s’il ne parvient pas à redresser la barre », craint un ministre.
Son défi pour 2012 va être de reconquérir les catégories populaires et moyennes qui ont préféré le FN ou l’abstention aux régionales. « Son problème, ce n’est pas la bourgeoisie. Les bourgeois, ils grognent et ils se couchent. Son problème, ce sont les voix ouvrières », avertit un intime du président. Sarkozy a remis la barre à droite sur la sécurité et va envoyer des signaux de justice, en créant une contribution sur les plus hauts revenus pour les retraites. « Il faut faire contribuer tout le monde pour que ce soit juste, j’ai dit : tout le monde! » a-t-il dit hier.
Sarkozy tente aussi de rectifier son style : il n’intervient plus à tout bout de champ sur tous les sujets. Chose inimaginable il y a peu, il a « délégué » la burqa à François Fillon, revenant au partage des tâches de la Ve République. Côté privé, enfin, Carla et lui veulent « se protéger » de la presse people. D’ici à la présidentielle, il restera au président à réfléchir au « nouveau rêve » qu’il voudra proposer aux Français.
Strauss-Kahn prêt à y aller
Dominique Strauss-Kahn va y aller. C’est « plus que probable », assurent Alexandre Kara, grand reporter à France 2, et Philippe Martinat, journaliste au « Parisien »-« Aujourd’hui en France », dans « le Duel ». Ainsi, selon eux, le face-à-face aura bien lieu lors de l’élection présidentielle de 2012 entre Nicolas Sarkozy et le directeur général du Fonds monétaire international.
Le 4 février, sur RTL, il avait presque lâché le morceau : « A ce jour, j’ai l’intention de faire mon mandat. Maintenant, si vous me demandez si, dans certaines circonstances, je pourrais me reposer cette question, la réponse est oui. » Traduction : il est prêt à se lancer. Hier, dans nos colonnes, l’intéressé a fait un pas en arrière. Lorsqu’on lui demande quand il annoncera sa décision, il botte en touche : « A temps, comme, je suppose, tous ceux qu’on prétend, souvent à tort, être concernés par cette question-là. » Décryptage : en pleine crise grecque et alors que le FMI joue un rôle essentiel, il était urgent pour DSK de ne pas trop s’aventurer sur le terrain de la politique française. D’autant qu’il aurait un pacte avec Martine Aubry : le mieux placé dans les sondages sera le candidat du PS. Pacte ou pas, pour Kara et Martinat, DSK a franchi un « palier psychologique » depuis le début de l’année. Sa décision finale n’est pas prise et ne le sera sans doute qu’en fin d’année. Mais Strauss-Kahn fait travailler à plein régime les groupes de réflexion qui, de Paris, suivent l’« exilé » à Washington.
Parmi les notes qu’il commande à ses collaborateurs, l’une sort du lot, révélée dans le livre. A Laurent Azoulai, un de ses plus anciens collaborateurs, il demande au premier trimestre 2010 une note sur le dispositif de 2012. Réponse d’Azoulai, quatre pages de conseils et de répartition des rôles et des postes : à Martine Aubry (qui serait sa porte-parole durant la campagne) Matignon; à Laurent Fabius le ministère des Affaires étrangères; à Ségolène Royal la présidence de l’Assemblée nationale; à François Rebsamen la garde du PS.
La note est dans la poche de DSK. Anne Sinclair, son épouse, confie : « Si je vous disais qu’on n’en parle jamais, vous ne me croiriez pas… »
« Le Duel » permet de retrouver la « biographie comparative » de Sarkozy et de Strauss-Kahn. Leurs points communs (les origines étrangères de leurs familles, leurs « six femmes à eux deux »…) et leurs différences : une enfance heureuse pour Strauss, compliquée pour Sarkozy; un parcours électoral simple comme Neuilly pour l’actuel président; un aller-retour Paris-Sarcelles-Haute-Savoie et quelques échecs pour le directeur général du FMI.
En commun, ils ont le goût de l’argent : pour le pouvoir chez Sarkozy, pour le plaisir chez DSK. Entre le « vrai faux dilettante » et le « prudent velléitaire », les auteurs ne tranchent pas. A travers leur galerie de portraits (pas sûr que Martine Aubry apprécie le sien), ils dessinent déjà ce face-à-face annoncé, qui a fait dire un jour à « Nicolas » s’adressant à « Dominique » : « Même quand on se déteste, on s’amuse (…). On se mettra sur la gueule, de toute façon, on s’amusera. C’est l’essentiel. »