Une partie de Charlie Hebdo distribuée en Turquie avec le quotidien Cumhuriyet

Le quotidien turc d’opposition Cumhuriyet va diffuser avec son édition de mercredi un supplément de quatre pages reprenant en turc une large part du premier numéro de l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo à paraître après l’attentat qui a décimé sa rédaction, a-t-on appris de sources concordantes.

Le rédacteur en chef de Charlie, Gérard Biard, a dans un premier temps annoncé à l’AFP que Cumhuriyet allait "publier et traduire en turc le numéro de demain de Charlie Hebdo et le vendre avec (son) journal".

"S’il n’y avait qu’un média avec lequel je voulais travailler, c’était celui-là, car la Turquie vit un moment difficile et la laïcité y est attaquée", a souligné Gérard Biard, estimant que cette version turque était "la plus importante" à ses yeux.

Mais, après un long débat, le quotidien turc a finalement décidé de ne pas publier le numéro entier de Charlie Hebdo mais quatre pages de supplément reprenant une bonne partie du journal français, a confié un de ses journalistes sous couvert de l’anonymat.

A la une du nouveau numéro du journal satirique, le prophète Mahomet est croqué vêtu de blanc, la larme à l’oeil, tenant la pancarte "Je suis Charlie", slogan des millions de manifestants qui, en France et à l’étranger, ont défilé pour condamner les attaques qui ont fait 17 morts en trois jours.

Ces dernières années, la publication de caricatures de Mahomet a valu de vives critiques à Charlie Hebdo en Turquie.

Des ministres du gouvernement islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002 ont dénoncé à plusieurs reprises les "provocations" de l’hebdomadaire. En 2013, l’un d’entre eux l’avait qualifié de "torchon".

Dans un entretien accordé la semaine dernière à l’AFP, le plus haut dignitaire religieux de Turquie, Mehmet Görmez, a condamné la semaine dernière sans restriction l’attentat qui a visé Charlie Hebdo mais s’est élevé contre le dénigrement des valeurs de l’islam "au nom de la liberté d’expression".

"Je pense que dénigrer et insulter les valeurs qui font qu’une personne est humaine (…) n’est pas correct", a-t-il remarqué.

Mardi, la plupart des sites internet des journaux turcs ont décrit la une du numéro à paraître mercredi mais aucun ne l’a reproduite.

Fondé en 1924 par un proche du fondateur de la Turquie moderne et laïque Mustafa Kemal Atatürk, Cumhuriyet (la République en turc) est résolument opposé au régime du président Recep Tayyip Erdogan.

Ses prises de position ont valu ses dernières années de nombreux procès et quelques séjours en prison à certains de ses journalistes, notamment accusés de complot contre le gouvernement.

Le quotidien, qui tire à environ 50.000 exemplaires, a également été la cible de plusieurs attentats à la grenade ou au cocktail Molotov.

La Turquie est régulièrement placée aux derniers rangs mondiaux dans les classements sur le respect de la liberté d’expression publiés par les ONG de défense de la presse.

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