Un accord « historique » met fin à la crise communautaire en Belgique

C’est à une heure ce matin que les négociateurs de huit partis francophones et flamands ont mis un point final à la réforme de l’État belge. Et au passage, à une crise communautaire, rampante depuis des années, mais devenue plus aiguë après les élections législatives de juin 2010 qui ont vu la victoire en Flandre du parti indépendantiste de droite N-VA et au sud, francophone, du Parti socialiste, opposé à la scission du pays.

Il aura donc fallu 481 jours pour mettre en place une réforme institutionnelle en profondeur qui bouleverse l’organisation du royaume en transférant de nombreux pouvoirs de l’État vers les régions. La réforme leur donne une plus grande autonomie en matière fiscale : financées jusqu’à présent par l’État fédéral, les régions lèveront à l’avenir elles-mêmes une partie de l’impôt sur le revenu, à hauteur de près de 11 milliards d’euros par an. Le transfert de compétence concernera aussi les allocations familiales, les domaines de la santé et la politique de l’emploi. Le code de la route sera aussi partiellement régionalisé, permettant notamment d’imposer des limitations de vitesse différentes dans le pays.

Ces transferts de pouvoirs étaient réclamés depuis longtemps par la classe politique flamande, qui représente 60 % de la population belge. Celle-ci a aussi obtenu une autre victoire : les droits linguistiques et administratifs spéciaux dont jouissaient les milliers de francophones dans la périphérie flamande de Bruxelles seront pour la plupart d’entre eux supprimés. Seules six communes les verront subsister. Ce point empoisonnait le climat entre les deux communautés depuis des décennie. Les Flamands en faisaient un symbole de leur combat pour la défense de leur langue et de leur culture.

"Le dialogue l’a emporté sur le cynisme"

En échange de ces bouleversements, les francophones ont obtenu l’amélioration du financement de Bruxelles à hauteur de 500 millions d’euros par an. Peuplée à 95 % de francophones mais enclavée en territoire flamand, la capitale du pays était financièrement étranglée par la Flandre. Les francophones ont aussi éloigné le spectre d’une scission du pays en cas d’échec des négociations sur la réforme de l’État.

"C’est la réforme la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale", estime Charles Michel, président du Parti libéral. "Le dialogue l’a emporté sur le cynisme", se réjouit Wouter Van Besien, dirigeant des écologistes flamands, qui a aussi participé aux négociations. Une référence directe à l’attitude du parti flamand indépendantiste N-VA qui a bloqué le jeu des négociations pendant plus d’un an, avant d’en être écarté, l’été dernier. Depuis, le parti de Bart De Wever ne fait que croître dans les sondages, pour atteindre 35 % des intentions de vote. Mais au prix d’une radicalisation de son leader, et en prenant surtout des voix au parti d’extrême droite Vlaams Belang.

Mais la Belgique devra encore patienter avant d’avoir un gouvernement. Il faut maintenant s’entendre sur un programme socio-économique et budgétaire passant par des économies de plus de huit milliards d’euros. Pas facile avec des partis en présence allant des Verts aux Libéraux en passant par les socialistes et les sociaux-chrétiens. Mais deux éléments plaident en faveur d’un accord gouvernemental : d’abord un cercle vertueux a été enclenché avec l’accord sur la réforme de l’État. Ensuite, ce matin, l’agence financière Moody’s a placé la Belgique sous surveillance : de quoi motiver la classe politique à s’entendre rapidement sur un programme de gouvernement.

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